L’émission réussie par le Sénégal d’un Eurobond de 750 millions de USD est une bonne nouvelle à trois titres.
Pour le pays, elle constitue un apport peu attendu de ressources financières additionnelles qui aideront les nouvelles Autorités politiques à concrétiser un ambitieux programme, aussi bien économique que social. Elle montre aussi la confiance des prêteurs internationaux dans la vision comme dans le pragmatisme des dirigeants récemment élus, dans la solidité de leur base politique, et dans les évolutions à court et moyen terme de l’économie sénégalaise Pour l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine, elle illustre la vision optimiste que les investisseurs étrangers continuent à avoir de la solidité de la zone. En 2024, trois des quatre Eurobonds émis en Afrique subsaharienne ont en effet concerné la région : Côte d’Ivoire, Bénin, Sénégal (le 4ème étant réussi par le Kenya). Les tensions politiques et risques sécuritaires sur le territoire de certains membres demeurent donc pour l’instant moins prééminentes que les performances économiques récentes et attendues de l’ensemble de l’Union et que sa capacité à trouver des solutions aux problèmes de l’heure.
Pour l’Afrique subsaharienne entière, elle représente l’espoir reconnu à l’étranger que les transformations positives à l’œuvre dans certains pays et regroupements régionaux peuvent se renforcer et s’étendre, et l’emporter sur tous les risques possibles de dégradation. Vue de l’intérieur du continent, elle constitue un encouragement à consentir les efforts requis pour conduire ces mutations et mobiliser à cette fin une jeunesse impatiente.
Toutefois, cette réussite n’est pas sans risques.
D’abord, l’emprunt est à un taux élevé et sa durée courte. Son remboursement pèsera sur les finances publiques d’un Etat parfois considéré comme trop endetté, qui devra peut-être réaliser des économies de charges compensatoires ou une restructuration en bon ordre de certaines parties de sa dette
Surtout, les Autorités auront la lourde responsabilité d’assurer une affectation optimale de ces ressources complémentaires. L’atteinte d’un bon équilibre entre deux impératifs est déterminante. D’abord, répondre en actes aux aspirations populaires en matière de cherté de certains coûts ou d’amélioration des protections sociales, trop attendues pour être reportées, mais d’une application souvent délicate. Par ailleurs, procéder aux dépenses productives requises pour un lancement optimal des activités pétrolière et gazière et la poursuite d’investissements urgents, comme dans l’énergie. Enfin, des questions clés, comme celle de la monnaie commune, auront à être traitées sans perturber les autres priorités.
Ces défis sont complexes. Ils exigeront innovation et audace, mais aussi rigueur. La superbe élection démocratique de juin dernier, qui interdit l’immobilisme, a toutefois montré qu’un combat juste peut triompher de beaucoup d’obstacles.
Paul Derreumaux