CARNETS DE VOYAGE : LES ETATS-UNIS VUS DE POITIERS

Le Futuroscope de Poitiers est d’abord la preuve concrète que la détermination et l’union de responsables publics et privés étaient capables de réaliser il y a 40 ans, à 2 heures de Paris, un investissement imaginatif et d’envergure. La qualité de sa conception – à la fois parc d’attraction, centre de formation pôle ludique de technologies avancées- ses constantes améliorations, le soutien de ses financiers et sa bonne gestion en ont fait un lieu de détente et de connaissance de notoriété mondiale.

Mais le Futuroscope sert aussi de cadre pour de brillantes réunions. Celle organisée le 30 août, comme chaque année, par la Fondation Prospective et Innovation (FPI) était de celles-là. Sous la ferme houlette du Président Jean-Pierre Raffarin, des experts de tous horizons -hommes politiques, patrons d’entreprise, universitaires, analystes- ont confronté leurs idées sur le thème « Que peut-on attendre aujourd’hui des Etats-Unis ? » avec brio en alliant connaissance, vécu, sincérité et prudence. De cette réunion passionnante, quatre idées centrales peuvent sans doute être dégagées.

En 2024, les Etats-Unis restent toujours dans le monde la seule « superpuissance » comme le montrent notamment des chiffres clés relatifs à l’économie, la finance, la puissance militaire ou l’influence « civilisationnelle » (le « soft power »). Certes, cette particularité est affaiblie depuis une vingtaine d’années tant à l’international -échecs en Irak et, surtout, en Afghanistan ; influence plus modeste au Moyen-Orient- qu’à l’intérieur -montée des inégalités et de la pauvreté qui fracture, voire « hystérise », les rapports sociaux. Malgré tout, les Etats-Unis, dont le déclin est souvent évoqué, continuent à faire preuve d’une impressionnante capacité de rebond économique qu’ils ont encore démontrée après la crise financière de 2008 et celle sanitaire de 2020.

L’élection présidentielle en cours, relancée avec le remplacement du Président Joe Biden par  Kamala Harris, apparait ce jour incertaine dans ses résultats. Malgré ses incohérences fréquentes et ses ennuis judiciaires, le candidat Trump conserve la confiance de la base électorale qu’il a conquise en 2016, faite pour une bonne part des victimes de la crise de 2008 ignorées par la campagne démocrate de l’époque, et a actuellement réduit à néant toute autre orientation au sein du parti républicain. De son côté, en un temps éclair, Mme Harris a obtenu le soutien des caciques démocrates, évité le piège des primaires, mis en avant quelques propositions séduisantes -protection du droit à l’avortement, soutien économique de la classe moyenne-, fait oublier ses handicaps -femme, non blanche-, relancé le flux indispensable des donations, et repris l’offensive. Son co-listier, Tom Waltz, devrait aussi lui apporter un bon soutien pour prendre l’avantage dans les « Swing States » et pour dialoguer avec la Chine.

Quel qu’il soit, le prochain Président maintiendra la politique d’« America First » que ses prédécesseurs ont adoptée. Certes, la nature des relations variera selon l’élu – imprévisibilité et brutalité pour Trump, modération et cordialité pour Harris-, mais le fond restera inchangé. Le tropisme vers l’Asie et la compétition avec la Chine s’accentueront sans doute. Les préoccupations économiques devraient être encore plus prégnantes pour éviter à tout prix une récession économique qui menace mais aussi le retour de l’inflation, pour mieux maîtriser l’immigration, pour mettre à niveau les investissements publics et productifs et pour soutenir le pouvoir d’achat. Le rôle du pays dans le règlement des conflits majeurs actuels – Ukraine et Gaza- sera donc confronté à ces autres priorités : ceci pourrait atténuer la volonté des Etats-Unis de garder le « leadership » sur les solutions qui pourraient y être défendues.

Ce dernier aspect est essentiel pour l’Union Européenne (UE) et tous ses membres. Ceux-ci balancent encore souvent entre la facilité (relative) de s’appuyer sur les Etats-Unis pour tenir le rôle central, économique et militaire en particulier, mais aussi d’influence, dans ces guerres, et la volonté de prendre désormais en charge une place décisive dans les efforts de leur règlement. C’est particulièrement vrai pour l’Ukraine dont l’issue de la lutte avec la Russie sera cruciale pour les Etats de l’UE. L’enjeu est d’autant plus complexe que ces derniers ne sont pas tous exactement du même avis sur les solutions souhaitées, en particulier pour Gaza, et qu’une forte implication exige des engagements financiers pouvant dépasser les moyens actuels des pays de l’UE. L’importance et l’urgence de ces questions imposent toutefois à l’Europe une prise de conscience plus aigüe de ses responsabilités et une unité constante dans l’action.

Après des débats passionnés, une balade dans la campagne tourangelle apaise les esprits. En fin de cet été pluvieux, des champs aux forêts, le vert domine le long des routes désertes. A l’écart des grands châteaux de la Loire, la cité royale de Loches offre calme et dépaysement avec ses maisons médiévales, ses donjons et clochers et le souvenir de Charles VII qui l’affectionnait. Une soirée inspirante entre amis autour d’un délicieux repas fait oublier la pluie tôt venue dans la nuit. Paris, demain : ses rentrées de vacances et ses pérégrinations politiques actuelles. Puissent les esprits sages et solides du Poitou-Charentes et de la Touraine nous inspirer.        

Paul Derreumaux

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