La création d’une institution financière en France est sans conteste un des projets du Groupe BANK OF AFRICA qui a mis le plus de temps à voir le jour, mais il sera peut-être un de ceux qui joueront un rôle crucial pour son futur.
Dès la naissance de la BANK OF AFRICA-MALI en 1983, l’intérêt de disposer d’une agence à Paris apparait comme une évidence au vu de l‘importance des rapatriements réguliers d’épargne de la diaspora malienne en Europe et des actions déjà menées par d’autres banques du pays pour collecter ces flux. Les rencontres en 1991 avec des représentants de la Banque de France « douchent » cependant cet enthousiasme. La jeune banque, à l’actionnariat africain privé et éparpillé, sans institution de référence, ne peut répondre aux critères des Autorités françaises de contrôle des banques. Il faudra alors se contenter d’un bureau de représentation réservé aux contacts avec la clientèle malienne installée en France et trouver des partenariats avec des structures françaises comme La Poste pour les transferts des migrants.
Cette solution est très imparfaite et produit des résultats limités. Elle est très éloignée des ambitions des dirigeants du réseau BANK OF AFRICA qui a commencé à grandir. Une nouvelle tentative est donc lancée en 1996 par la holding du Groupe. Celle-ci prendrait une participation majoritaire, en étant épaulée par une banque française partenaire de l’époque. Mais la holding n’est pas régulée par une Autorité monétaire, ce qui empêche le projet de satisfaire aux règles en vigueur : c’est un nouvel échec.
L’idée va reprendre vie en 2008. Le schéma s’est modifié. L’élargissement du réseau BOA en Afrique subsaharienne permet de composer un « tour de table » avec plusieurs BANK OF AFRICA dûment agréées par des Autorités monétaires locales : toutes celles qui sont contactées acquiescent avec engouement et détiendront ensemble une large majorité d’un capital de 5 millions d’Euros. Notre partenaire Proparco s’engage aussi pour une participation de 20%. L’agrément est cette fois accordé au début de 2009. La Banque Marocaine du Commerce Extérieur, désormais actionnaire principal du Groupe, a approuvé cet investissement, mais n’y est pas associée. Il faudra ensuite une bonne année pour installer cette nouvelle filiale, embaucher l’équipe, concevoir des procédures et une organisation adaptées aux normes françaises bancaires. Le bureau de représentation de la BOA-MALI va être intégré à la nouvelle filiale et donnera à celle-ci un premier point de contact avec la clientèle. Sur ces bases, BOA-FRANCE ouvre ses portes en mai 2010, avec un statut d’établissement financier.
La nouvelle entité affiche un double objectif : d’abord, imposer sa présence dans les rapatriements d’épargne des migrants des pays subsahariens où elle est implantée ; à moyen terme, devenir un « hub » pour les opérations internationales des filiales africaines du réseau BOA. Dans la mise en œuvre de cette stratégie, elle va affronter pendant une dizaine d’années d’importantes difficultés. Les deux nouvelles agences créées à Paris pour la clientèle africaine assurent un premier essor des activités de détail, mais la concurrence est toujours plus intense et diversifiée et freine le mouvement. Surtout, les exigences de conformité sur ces opérations se durcissent constamment et les caractéristiques de la clientèle de BOA-FRANCE rendent difficile le respect par celle-ci des contraintes fixées en la matière. L’institution doit rapidement mettre au second plan ses actions commerciales et « mettre à plat » toutes ses procédures et méthodes de travail pour que celles-ci soient en parfaite harmonie avec les standards requis. Ceci constituera une priorité pesante et de longue haleine, menée avec patience et détermination par toute l’équipe de BOA-FRANCE et l’appui multiforme et décisif du Groupe BOA. Les buts visés seront atteints, mais la compétition féroce sur ce créneau et le durcissement du traitement en France des opérations en espèces conduisent BOA-FRANCE à fermer ses agences et à restreindre ses activités dans ce créneau qu’elle avait privilégié. Ces handicaps retardent la rentabilité de l’institution et contraignent les actionnaires à accroitre à plusieurs reprises leur investissement initial. Convaincus du bien-fondé de leur projet et confiants dans la solidité et la qualité de l’équipe et de son management, les BOA actionnaires adhèrent à chaque nouvel effort financier.
A partir de 2015, des hésitations stratégiques du Groupe entraineront une nouvelle période d’incertitudes pour BOA-FRANCE et son positionnement. Il faudra toute la volonté et la force de conviction du Directeur Général, appuyé sur l’expérience et la ténacité de son personnel, pour faire admettre les perspectives de développement de la filiale française, basculer le « centre de gravité » de la structure vers sa seconde composante stratégique, celle d’un centre d’opérations internationales pour les BOA, et même au-delà de ce périmètre, et lancer BOA-FRANCE dans une nouvelle vie sans délaisser totalement son orientation première. Près de 5 ans et des actions opiniâtres quotidiennes seront encore requises pour démontrer que cette option était pertinente. La confiance constante de toutes les BOA à BOA-FRANCE, la croissance continue du Groupe ont alimenté cet essor, que la réticence de plus en plus forte des banques françaises à coopérer avec les banques africaines a en outre involontairement renforcé. A l’aube de 2024, BOA-FRANCE est bien armée pour progresser dans cette voie prometteuse, tandis que de nouvelles possibilités éclosent pour exploiter des relations innovantes avec la clientèle privée africaine. La double orientation stratégique de l’entité, jamais abandonnée, retrouve ainsi toute son actualité.
Une bonne nouvelle pour saluer les 14 ans d’activité de BOA-FRANCE et lui souhaiter un brillant avenir !
Paul Derreumaux