C’est dès 2006, et en raison de ses contacts étroits avec la banque Belgolaise, que le Groupe BANK OF AFRICA envisage une implantation au Burundi. Les relations entre les deux groupes bancaires existent alors depuis plusieurs années et sont excellentes : le puissant réseau international de la grande banque belge facilite les opérations étrangères des BANK OF AFRICA qui grandissent ; la Belgolaise a de son côté choisi la BOA pour négocier le possible rachat par cette dernière de certaines de ses filiales africaines. Pour l’heure, ces tentatives de cession n’ont pas abouti, mais les deux réseaux demeurent proches et ont établi des liens de confiance.
Alors que la Belgolaise subit une pression grandissante pour « alléger » son réseau africain, l’intérêt de la BOA pour ses filiales est-africaines s’accroit à la suite de l’ouverture de la BANK OF AFRICA-KENYA en juin 2004. La Banque de Crédit de Bujumbura (BCB) est donc une des entités, avec celles de l’Ouganda et de la Tanzanie, pour laquelle s’engagent des négociations. Figurant parmi les deux premières banques de la place bancaire de Bujumbura, elle permettrait une entrée en force du Groupe dans le pays. Toutefois, compte tenu de cette place essentielle, la BCB a aussi valeur de symbole et l’Etat tient à devenir majoritaire dans l’actionnariat en cas de départ de la Belgolaise. Le réseau BOA n’a nulle part l’expérience d’un partenariat avec des Autorités locales détenant la majorité des actions de la filiale et sa notoriété est loin d’atteindre celle de la Belgolaise dans cette zone géographique. Une fois la décision de principe validée, il faudra donc du temps, un montage spécifique et une forte volonté mutuelle d’aboutir pour conclure en mai 2008 l’accord pour la reprise de la Banque. Selon le schéma adopté, l’Etat renforce sa participation et détient désormais 55% du capital. Les 45% restants sont acquis par trois actionnaires, à parts quasiment égales : la holding de BOA ; l’institution BIO, structure officielle belge d’appui au secteur privé des pays en développement ; et la banque De Groof, importante banque privée belge. Tous les actionnaires acceptent de confier à BOA la responsabilité de la gestion de la banque et un contrat d’assistance technique est signé à cette fin par le Conseil d’Administration de la nouvelle BCB, qui garde son appellation antérieure. Le Directeur Général est désigné par l’Etat et son Adjoint par la BOA qui accepte, à titre exceptionnel, de renoncer à donner son nom à la Banque.
Chaque partie prenante a ainsi préservé ses préoccupations premières tout en s’efforçant de satisfaire au mieux celles des autres intervenants. L’Etat domine maintenant l’actionnariat et maintient le nom chargé d’histoire de l’institution. La BOA aura les moyens de mettre toute sa compétence technique et commerciale pour piloter la banque et maximiser le développement de celle-ci. Les autres actionnaires privés sont rassurés par le rôle confié à la BOA et, au moins pour BIO, sont bien connus de l’Etat, ce qui devrait faciliter le fonctionnement du Conseil d’Administration. Ce bon équilibre formel sera surtout servi par la volonté que mettront toujours en œuvre tous les Administrateurs, les dirigeants et l’ensemble des équipes de la Banque pour faire prévaloir les intérêts à court et moyen terme de la structure face à l’ensemble des défis à relever.
Les longues négociations pour obtenir cet accord équilibré n’ont en effet entrainé aucune perturbation dans la gestion de la BCB. Les équipes de celle-ci ont assuré avec un soin efficace pendant la transition tous les services fournis de longue date à la nombreuse clientèle, et notamment aux grandes entreprises du pays. Dans cette période, les banques Belgolaise et BOA ont coopéré pour que la crédibilité de la BCB soit maintenue au Burundi comme à l’étranger. Dès la conclusion des accords, le Groupe BOA a mis à la disposition de la Banque son expertise technique, son réseau de correspondants étrangers, ses approches commerciales innovantes et l’appui d’un réseau de filiales en expansion, et son équipe d’assistance technique a coopéré avec détermination et transparence avec le personnel local. Comme promis, et respecté partout par le réseau BOA, aucun licenciement collectif n’est intervenu. Dans le Conseil d’Administration, tous les Administrateurs ont eu à cœur d’intensifier le développement et la solidité de la Banque. En effet, il a vite été reconnu par tous que l’atteinte d’une gestion harmonieuse, d’une croissance régulière et d’une rentabilité optimale de la Banque, dans le respect des contraintes réglementaires fixées par les Autorités monétaires, était la meilleure voie pour satisfaire aux objectifs de chaque acteur, y compris au souci de l’Etat de continuer à faire de la BCB une référence historique et une institution leader du marché bancaire national.
Seize ans après ces changements, la BCB apparait avoir gagné son pari. Certes, le système bancaire est nettement plus dense, désormais relié à l’espace prometteur de l’East African Community qui a amené au pays les puissantes banques kenyanes et tanzaniennes. Mais la BCB demeure une des grandes institutions de la place, grâce à ses performances et à l’attachement que lui portent toutes les catégories de clients. Le Groupe BOA, pour sa part, a contribué activement à faciliter la modernisation de la Banque, tel qu’au plan informatique, et a développé avec la BCB une coopération permanente et multiforme : la BCB est ainsi bien intégrée dans un Groupe bancaire panafricain en gardant son autonomie
Puisse cet équilibre se renforcer continûment pour conduire la BCB et tous ceux qui participent à ses activités et à sa croissance vers d’autres succès futurs.
Paul Derreumaux
Article publié le 29/05/2024