BANK OF AFRICA-MADAGASCAR : La plus étonnante des aventures

Même si toutes les BANK OF AFRICA sont inoubliables pour ceux qui ont connu leur naissance, la BANK OF AFRICA-MADAGASCAR (BOA-MADAGASCAR) tient une place spéciale par les peurs et les enthousiasmes, les peines et les bonheurs qu’elle a inspirés.

C’est par hasard, en 1997, qu’a lieu un voyage à Antananarivo pour un projet de société de crédit-bail.  La découverte de la Grande Ile déconcerte par ses populations, sa civilisation, ses paysages, si éloignés de l’Afrique de l’Ouest, cadre initial du jeune Groupe en construction et de ses équipes.  Mais nous y voyons une grande chance de mieux connaitre cette diversité africaine et de nous y faire accepter.

Le projet de leasing va aboutir mais ne sera jamais un grand succès. En revanche, les séjours qu’il impose permettent de connaitre le système bancaire national. Peu dense, il compte plusieurs banques en cours de privatisation. L’appel d’offres va être lancé pour la plus grande, la banque nationale pour le développement rural (BTM). C’est un mastodonte par rapport aux cinq BOA existantes, avec ses 1600 salariés et ses 70 agences, et le faire revivre serait une tâche gigantesque à conduire dans un monde inconnu.  Mais comment résister à ce nouveau défi ? Le Groupe dépêche donc sur place fin 1998 quatre collaborateurs pour des analyses détaillées, puis dépose une offre. Faute de grands concurrents européens ou sud-africains, et à notre heureuse surprise, BOA est retenue en février. L’aventure peut commencer…

Trois batailles difficiles seront menées dans les 8 mois qui vont suivre. L’une, interne, va se dérouler au sein du Conseil de la holding. Trois camps se distinguent dès que le « deal » est présenté : les administrateurs privés, vite conquis par les perspectives du projet ; les institutionnels, toujours prudents devant l’inconnu, et la banque européenne actionnaire, franchement hostile. Pour celle-ci, les dangers dépassent les capacités de BOA à réussir ce pari : éloignement des autres BOA, taille excessive de la cible, difficulté de gérer une entité hors zone franc, coût trop élevé. Le dossier est revu en répondant patiemment à toutes les objections, ce qui satisfait Proparco et le FMO, mais le banquier allié est inflexible. A la troisième tentative, le Conseil brise le tabou de la règle d’unanimité et valide la proposition : personne n’aura jamais à le regretter. Une autre phase démarre alors face aux négociateurs malgaches, rompus à de telles discussions et bien décidés à faire admettre les objectifs qui leur ont été fixés. Chaque partie défend fermement ses positions et les progrès sont lents. Entre mars et septembre 1999, il ne faudra pas moins de 5 « rounds » de négociations tendues à Paris, Antananarivo et Washington. Par deux fois, les discussions sont à un fil d’être rompues tant les demandes de l’un paraissent éloignées des exigences de l’autre. Mais les deux équipes finissent par s’estimer, appréciant mutuellement la franchise et la clarté des positions de chacune. Le protocole signé en juillet à Paris a trouvé une solution acceptable pour les principales questions en débat : sort du personnel de la BTM ; modalités de maintien des agences ; baux emphytéotiques des locaux ; financement par l’Etat des créances en souffrance ; structure de l’actionnariat. Il reste à trouver comment le Groupe va financer l’achat de cette grande banque. Une fois de plus, la solidarité, la prudence et l’imagination vont apporter la bonne solution.  Une sous-holding du Groupe, domiciliée à l’île Maurice, est créée en partenariat avec les BOA du Bénin et de Côte d’Ivoire et, jointe à la holding, obtient l’agrément d’implantation d’une filiale bancaire. Celle-ci achète ensuite les actifs sains de la BTM en même temps que se complète la composition définitive du « tour de table ». Vont en effet s’ajouter l’Etat, des actionnaire privés nationaux, le FMO et la SFI, et plus tard Proparco .  Dans cet ensemble, BOA-MADAGASCAR aura la chance de s’appuyer sur des investisseurs privés malgaches d’une qualité et d’une fidélité exemplaires et sur l’Etat qui respectera toujours ses obligations.  La bonne étoile continue.

La suite est plus facile à compter de septembre 1999. Les « recruteurs » habituels du Groupe choisissent avec soin et sans incident le personnel maintenu définitivement en place et les autres sont indemnisés par l’Etat. Une équipe de cinq responsables, dont les deux dirigeants les plus chevronnés du Groupe, s’installe à Antananarivo, et pilote toutes les transformations structurelles programmées, avec le plein soutien des cadres et agents nationaux conservés. Les informaticiens réussissent même l’exploit de trouver une solution simple et économe face au « bug de l’an 2000 » qui nous inquiétait. Fin novembre 1999, tout est prêt : le « closing » juridique est signé tandis que toutes les agences de la BTM basculent en une nuit aux couleurs de la BOA. Même le doux soleil de la saison et le bleu unique des fleurs de jacarandas donnent un air de fête à cet instant.   

Dès lors démarre le travail passionnant de la renaissance de cette banque. La stratégie se fonde sur l’exploitation optimale de l’implantation et de l’audience de l’ex-BTM, tout en donnant à la nouvelle entité la modernité, la diversité de services, la variété de publics, allant des ménages aux plus grandes entreprises, que le Groupe connait bien. Le succès des comptes Tahiry, comptes d’épargne, inusités auparavant dans la banque, sera notamment impressionnant. BOA-MADAGASCAR se lance aussi avec audace et efficacité dans la souscription des bons du Trésor. Les actionnaires soutiennent eux-mêmes activement ces efforts : le capital social est ainsi sextuplé en 25 ans, avec une large adhésion aux sollicitations. Les années qui s’écoulent apportent pourtant leur lot d’évènements malheureux : grave crise politique en 2002, asphyxiant l’activité d’un pays coupé en deux ; lourde dévaluation monétaire à sa suite, réduisant d’un coup de 50% la valeur en Euros de l’investissement ; surtout, disparition éprouvante de deux des meilleurs cadres du Groupe, en poste à Antananarivo. Malgré ces coups durs, les équipes continuent de se battre, confiantes que la stratégie suivie est la bonne et que les résultats seront au rendez-vous. C’est bien ce qui se confirme. BOA-MAGASACAR s’est installée au premier rang de la place bancaire ; son périmètre d’agences, déjà gigantesque, s’agrandit encore ; tous les types de clientèle, grandes ou petites, privées comme publiques, lui sont fidèles ; toujours bénéficiaire, elle sert de généreux dividendes qui renforcent la confiance des actionnaires ; ses actions sociales se sont multipliées au fil du temps, ancrant la BOA dans le paysage national.

La Banque a construit aujourd’hui un beau siège, mieux adapté à sa taille et à des ambitions. Mais son ancien siège, dont une partie est devenue Centre culturel, trône toujours, majestueux et paisible, au sommet de la Place de l’Indépendance, comme s’il se délectait des bruits de la capitale. Sans doute pour que les anciens se souviennent avec fierté que l’aventure a commencé ici, et pour confirmer que les fondateurs, tout en nourrissant l’espoir et l’enthousiasme d’un brillant futur, n’ont rien renié d’un glorieux passé.

Joyeux anniversaire de 25 ans de travail et de belles réalisations.

Paul Derreumaux

Article publié le 26/11/2024

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