Monnaie électronique dans L’UEMOA : pierre angulaire de l’inclusion financière

En moins de 10 ans, la monnaie électronique (ME) est devenue un moyen de paiement de premier plan dans l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA). Cette montée en puissance dans la région a suivi la « révolution » introduite au Kenya en 2007 avec le produit M’Pesa mis au point par la société de télécommunications Safaricom. Dans l’Union, elle s’est effectuée sous le contrôle vigilant de la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), qui a notamment créé en 2015 un nouveau type d’agrément pour les Emetteurs de Monnaie Electronique (EME). En 2024, les données montrent la place prise par cette innovation, mais aussi les fragilités du secteur et les défis qui l’attendent.

La monnaie électronique est surtout représentée par les EME, même si ces derniers n’en ont pas le monopole -celle-ci est aussi émise par des banques, et d’autres acteurs plus modestes (les « Fintech ») -, et les informations disponibles restent limitées par rapport à celles relatives aux banques. Cependant, pour ces seuls EME, elles confirment et prolongent clairement les tendances positives déjà soulignées. Ainsi, la valeur et le nombre des transactions ont bondi respectivement à 172 billions de FCFA et 8,8 milliards en 2023, en hausse respective de 146% et de 61,5% sur un an. Avec des opérations dont la valeur unitaire moyenne reste ainsi inférieure à 20 000 FCA, les EME donnent bien à toute une population délaissée par les banques une alternative à la monnaie fiduciaire et sont les champions de son inclusion financière dans les circuits modernes de paiement : ils apportent une sécurité, une mobilité et une rapidité inconnues auparavant. L’arrivée de ce nouvel instrument se traduit dans l’évolution sur la décennie écoulée des taux de bancarisation dans l’UEMOA. Le taux global- banques, microfinances, EME- est passé de 47% en 2016 à près de 75% en 2023, après prise en compte de la multi-bancarité observée. La ME a permis de pousser à 0,6 environ le taux synthétique d’inclusion financière calculé par la Banque Centrale, soit un quasi-doublement depuis 2016, réalisant un rattrapage notable par rapport à d’autres régions du continent plus avancées.

Cette force s’appuie sur deux principaux atouts. L’un est un maillage de plus en plus dense des territoires nationaux, jusque dans les endroits les plus éloignés des capitales : plus de 1,12 millions de points de vente, dont près de 750000 sont actifs, pour les EME fin 2023, qui sont à comparer par exemple aux quelque 2,7 milliers d’agences bancaires et aux 3,7 milliers de guichets électroniques de banque (GAB). Ils apportent une proximité inégalable tout en accomplissant une identification des clients en harmonie avec les exigences de conformité. L’autre est une diversification progressive des produits offerts et des usages possibles de ce nouveau moyen de paiement. A l’achat de recharges téléphoniques (le Top-Up) et au retrait en espèces (le Cash-out), les deux services « phares » initiaux, se sont aujourd’hui greffés notamment le transfert local ou international, le paiement de factures et l’achat de biens marchands : la part des nouveaux services est passée en quelques années de 20% à plus de 40% du chiffre d’affaires des EME et ces composantes continuent à croître le plus vite. Ces avantages expliquent que le total des encours de monnaie électronique -les « Unités de Valeur » (UV) – atteigne fin 2023 959 milliards de FCFA, soit plus de 2% des dépôts bancaires de l’Union, contre quelque 1% en 2020.

Malgré cette montée en force sans doute inarrêtable, le secteur de la monnaie électronique, et en particulier de sa part la plus visible qui est celle des EME, est toujours en construction, ce qui transparait dans le dernier rapport de la Commission Bancaire. En décembre 2023, ces structures réglementées n’étaient opérationnelles que dans 6 des 8 membres de l’Union. Elles restent en outre peu nombreuses : 16 EME au total en activité, dont 6 en Côte d’Ivoire. La plupart de ces EME sont détenus par quelques grandes entreprises de télécommunications présentes dans la zone, et qui ont fait de l’Afrique un pionnier et un champion de la téléphonie mobile, dont la monnaie électronique est un « dérivé » : même si quelques « Fintechs » les ont rejoints, deux groupes de téléphonie rassemblaient à travers leurs filiales plus de 86% du nombre total de transactions dans l’Union en 2022. Enfin, 4 des EME agréés ne respectent pas encore les trois ratios prudentiels qui leur sont fixés : le plus difficile à maintenir -fonds propres/total des UV émises- peut en effet imposer un haut niveau de capital dès que l’EME n’est pas encore profitable.

Outre la correction souhaitable de ces faiblesses liées à la jeunesse du secteur, deux challenges seront à relever dans le futur proche. Le premier est une meilleure stabilisation financière du secteur. La période 2018/2023 a montré une grande variabilité des résultats globaux des EME en place : après une profitabilité croissante jusqu’en 2021, correspondant au démarrage de ces activités, 2022 et 2023 – et sans doute 2024- coïncident à d’importantes pertes, même si celles-ci paraissent s’amoindrir. Deux facteurs ont concouru à ce recul : l’arrivée en force de quelques nouveaux acteurs ; une baisse généralisée des tarifs résultant de cet environnement plus compétitif. Cette volatilité témoigne aussi d’une forte élasticité-prix de la clientèle, qui la conduit à basculer sans hésiter d’un EME à l’autre, chacun étant considéré comme un simple prestataire de service, et non comme un vrai partenaire, à la différence des relations nouées par le public avec les banques. Pour que ce comportement s’atténue, il faudra que l’utilisation des UV puisse être de plus en plus diversifiée, y compris par la facilitation du public à l’accès au crédit ou leur recours par les entreprises et les Etats pour des paiements de masse. Le second défi est celui de l’interopérabilité entre tous les moyens de paiement de l’Union. Evoquée par la Banque Centrale depuis 2022, cette innovation majeure est entrée dans sa phase active en 2024 et devrait être effective avant fin 2025. Elle visera, selon un schéma défini par la Banque Centrale, que toutes les entreprises financières intervenant dans l’Union pour des paiements demandés par les agents économiques soient interconnectées, réalisent leurs opérations de manière immédiate et les exécutent aux meilleures conditions financières possibles pour les clients. Pour ces derniers, ce projet ambitieux apporterait donc modernité, efficacité et réduction de coûts. Le succès espéré dépendra d’abord de la bonne résolution des questions techniques en cours de traitement. Il supposera aussi de trouver les dispositions préservant la viabilité de tous les acteurs. En effet, les revenus totaux des banques sont moins dépendants des commissions prélevées sur les opérations de paiement que ne le sont les EME qui sont limités à ces activités.

Les prochaines années sont donc prometteuses de nouvelles mutations intenses pour la monnaie électronique. Certaines généreront à coup sûr pour elle de nouveaux développements : élargissement des usages, augmentation du taux d’activité des comptes, nouveaux publics… D’autres pourraient comporter des opportunités mais aussi des risques : modalités de l’interopérabilité, nouvelles baisses de tarifications des services, construction de passerelles avec d’autres acteurs financiers… La détermination, la puissance financière et la force d’innovation des leaders du secteur permettent de croire qu’ils sont prêts à réaliser les efforts nécessaires pour tenir leur rang dans le combat pour l’inclusion financière.

Paul Derreumaux

Article paru le 09/01/2025

BANK OF AFRICA IN THE DEMOCRATIC REPUBLIC OF CONGO: ALREADY 15 YEARS OF PRESENCE !

After the successful saga in Madagascar in 1999, then in the three countries of the East African Community (EAC) between 2004 and 2007, many challenges appear affordable for the managers of the BANK OF AFRICA (BOA) Group. It is therefore as a new challenge that the Board of Directors of the Group’s holding company took over the study of the project to set up a bank in the Democratic Republic of Congo (DRC) at the end of 2007. The country is attractive for several reasons: it is gigantic both in terms of its demography and its natural wealth, and therefore offers a variety of opportunities for financial activities; its banking sector is not overcrowded, especially by international companies; its economic development has been penalized for many years by multiple political crises, but the prospect of stabilising this context has improved; finally, with a presence in the DRC, the Group would bring its two areas of establishment closer together and contribute to its ambition to bring them together one day. These assets more than compensate for the complexities of the local environment that persist and the known volatility of the local currency.

A first attempt was made in 2003 during negotiations with the Belgolaise group for the partial purchase of its African network. But its subsidiary in Kinshasa, the BCDC bank, appeared too large in relation to the resources of the BOA network at the time. The approach adopted for this second trial is the creation of a new institution and its gradual development. A team of two people flew from Nairobi in January 2008 to assess the feasibility of such an operation. One knows the country very well, which makes it easier to gather information and make contacts with the authorities and many potential partners and customers. Everywhere the welcome is favourable: the economy has progressed since our previous stays; opening to foreign investments has increased; BOA is now better known in the region and has institutional investors who may be interested in the project. A second exploratory mission mainly takes a precise look at the difficulties that would have to be managed: scarcity and high cost of the human resources required; very expensive prices of products and services essential for a bank; strong dollarization of the economy, which imposes a specific organization for the activities of financial institutions and their relations with customers; difficult choice of the location of the headquarters because of the few suitable buildings.

After these various observations, the conclusions are positive. The proposed application is unanimously approved by the BOA Group Board of Directors in April 2008. It provides for the creation of a new institution with a capital of 10 million USD, the minimum required by the Central Bank. The distribution of the capital of the future BANK OF AFRICA-DRC (BOA-DRC) is easily decided: the Group will hold 60% of it and two bilateral institutions already allied with BOA – the French Proparco and the Belgian BIO – will subscribe the rest. Built on this tough shareholding, the application for approval is submitted in May 2008. However, the usual administrative back-and-forth took nearly a year before being completed in April 2009

During this long wait, the teams hurried to the major projects. A beautiful site was first reserved in the city centre, in the La Gombé district: it will be purchased at the beginning of 2009, when our application for approval has progressed well, and the construction of the headquarters and the main branch will immediately be carried out at a forced march. Around mid-2009 the future bank recruited its staff, according to its highly selective formal procedures that had been tested for a long time: it’ll be not easy to identify the around 25 people who would make up the initial team. However, the method will be effective as always and the quality of the recruits, most of whom are young, will appear both in the success of their training and in the results that will then be obtained by the bank. For the rest, during the second half of 2009, all other preparations will be completed, despite a constrained environment, thanks to the practice acquired in the first 11 entities of the BOA network and the commitment of the technical assistance teams. As soon as the work on the headquarters was completed, the 12th BOA subsidiary opened its doors to the public in December, succeeding in its challenge of being operational by the end of 2009.

BOA-DRC is primarily turning to corporate customers, both national and foreign, as a result of the still very low level of banking penetration of non-civil servants. But this policy slows down the necessary growth of deposits that is essential to give the young entity a solid balance sheet structure. The Board of Directors and the bank’s management are therefore closely monitoring all the indicators and are gradually applying the appropriate corrective strategies. The bank was also immediately facing the constraints of an economy where more than 80% of transactions were carried out in dollars and where the value of the Congolese Franc was subject to many powerful variations: the learning curve was nevertheless fast and without any unpleasant surprises thanks to the now diversified experience of the BOA network and the ambition to meet the expectations of a growing customer base. Despite the determination of the managers and staff in Kinshasa and the permanent support of the whole Group, the rise of BOA-DRC is coming up against external factors. Thus, the banking environment has undergone an impressive widening in a few years due to the marked interest of the major African banks: some of the main institutions in French-speaking Central Africa, Kenya, Nigeria and Tanzania, for example, have joined the Kinshasa market where about fifteen players are now licensed. In addition, to take into account the high inflation rates, the Central Bank enforced in 2016 a tripling of the paid-up share capital, still fixed in USD, to USD 30 million.

This tremendous competition and these financial requests will be, above all, for BOA-RDC and its teams, incentives for their fighting spirit, the continuous strengthening of the organization and the quality of the service offered, and the broadening of the range of products and innovations. The strategies carried out to conquer various audiences are attracting an ever wider and more multifaceted clientele, and are bringing the deposits expected for the increase in loans to companies and households. The Bank gradually set up its branches in Goma, in the East, then in Lumumbashi, a major economic centre, and extended its network to 7 branches in Kinshasa. The Group is responding to the authorities’ efforts to increase equity by subscribing to medium-term bonds to prepare for future capital increases. These development efforts are bearing fruit. BOA-DRC regularly improves its balance sheet and activity indicators to bring them up to the level of the wished standards.  The acceleration in the growth of deposits and loans regularly strengthens the Bank’s weight and role in the country. At the end of 2023, the profits of the last few years confirmed its profitability and consolidated its equity. The recent entry of the DRC into the integrated economic space of the EAC, the opportunities offered by a population of more than 100 million inhabitants and a better organized exploitation of multiple natural resources, the actions of the authorities to create a more favorable environment for economic development, and the growing support of international institutions are concrete supports for a promising future of the national banking system at the service of the country. The achievement by BOA-RDC in 2025 of the new minimum capital of USD 50 million imposed by the Central Bank will allow it to participate fully and continue its path in a healthy way.

Happy birthday and happy new year 2025 to BOA-DRC and its teams! May the future be bright for them.

Paul Derreumaux

Article publié le 30/12/2024

BANK OF AFRICA EN REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO : DEJA 15 ANS DE PRESENCE !

Après l’épopée réussie à Madagascar en 1999, puis dans les trois pays de l’East African Community (EAC) entre 2004 et 2007, beaucoup de défis apparaissent abordables pour les dirigeants du Groupe BANK OF AFRICA (BOA). C’est donc bien comme un nouveau challenge que le Conseil d’Administration de la holding du Groupe reprend fin 2007 l’étude du projet d’installation d’une banque en République Démocratique du Congo (RDC). Le pays est attractif pour plusieurs raisons : il est gigantesque autant par sa démographie que par ses richesses naturelles, et offre donc des possibilités variées pour les activités financières ; son système bancaire est encore peu encombré, spécialement en entités internationales ; son évolution économique a été handicapée depuis de longues années par des crises politiques multiples, mais la perspective d’une stabilisation de ce contexte s’est améliorée ; enfin, avec une présence en RDC, le Groupe rapprocherait fortement ses deux zones d’implantation et concourrait à son ambition de les réunir un jour. Ces atouts compensent largement les complexités de l’environnement local qui persistent et la volatilité connue du Franc Congolais.

Une première tentative avait été esquissée dès 2003 à l’occasion des négociations avec le groupe Belgolaise pour le rachat partiel de son réseau africain. Mais sa filiale à Kinshasa, la banque BCDC, était apparue trop importante au regard des moyens du réseau BOA de l’époque. L’approche adoptée pour ce second essai est celle de la création d’un nouvel établissement et de son développement progressif. Une équipe de deux personnes s’envole donc de Nairobi en janvier 2008 pour apprécier la faisabilité d’une telle opération. L’un des missionnaires connait très bien le pays, ce qui facilite la collecte d’informations et les prises de contact avec les Autorités et beaucoup de partenaires et clients potentiels. Partout l’accueil est favorable : l’économie a progressé depuis nos séjours précédents ; l’ouverture aux investissements étrangers s’est accentuée ; la BOA est désormais mieux connue dans la région et elle compte des investisseurs institutionnels présents en RDC qui pourraient être intéressés par ce projet. Une seconde mission exploratoire fait surtout un point précis des difficultés qui seraient à gérer : rareté et cherté des ressources humaines requises ; prix très élevés des produits et services indispensables pour une banque ; forte dollarisation de l’économie qui impose une organisation spécifique des activités des établissements financiers et de leurs relations avec la clientèle ; choix délicat de l’implantation du siège en raison du peu d’immeubles adéquats.

Après ces divers constats, les conclusions sont positives. Le dossier proposé est agréé à l’unanimité par le Conseil d’Administration de BOA Group en avril 2008. Il prévoit la création d’un nouvel établissement au capital de 10 millions de USD, minimum requis par la Banque Centrale. La répartition du capital de la future BANK OF AFRICA-RDC (BOA-RDC) est aisément arrêtée : le Groupe en détiendra 60% et deux institutions bilatérales déjà alliées de BOA -la française Proparco et la belge BIO- souscriront le reste. Bati sur ce solide actionnariat, le dossier de demande d’agrément est déposé en mai 2008 Les inévitables allers et retours administratifs prendront cependant près d’un an avant d’aboutir en avril 2009

Pendant cette longue attente, les équipes se hâtent sur les chantiers majeurs. Un beau site a d’abord été réservé en centre-ville, dans le quartier de La Gombé : il sera acheté début 2009, quand notre demande d’agrément a bien progressé, et les travaux de construction du siège et de l’agence principale y seront tout de suite menés à marche forcée. C’est vers mi-2009 que la future banque recrute son personnel, selon ses procédures formelles très sélectives testées de longue date : l’identification des quelque 25 personnes qui constitueront l’équipe initiale sera difficile. La méthode sera cependant comme toujours efficace et la qualité des recrues, jeunes pour la plupart, apparaitra aussi bien dans la réussite de leur formation que dans les résultats qui seront ensuite engrangés par la banque. Pour le reste, pendant le second semestre 2009, tous les autres préparatifs seront menés à terme, malgré un environnement lourd de contraintes, grâce à la pratique acquise dans les 11 premières entités du réseau BOA et l’engagement des équipes d’assistance technique. Dès l’achèvement des travaux du siège, la 12ème filiale BOA ouvre ses portes au public en décembre, réussissant son pari d’être opérationnelle pour fin 2009.

La BOA-RDC se tourne d’abord vers la clientèle des entreprises, nationales et étrangères, par suite d’une bancarisation encore très faible des particuliers non-fonctionnaires. Mais cette politique ralentit la croissance nécessaire des dépôts indispensable pour donner à la jeune entité une structure bilantielle solide. Le Conseil d’Administration et la Direction Générale suivent donc attentivement tous les indicateurs et appliquent au fur et à mesure les stratégies correctrices adéquates. La banque est aussi plongée immédiatement dans les contraintes d’une économie où plus de 80% des transactions s’effectuent en dollars et où la valeur du Franc congolais connait de nombreuses et puissantes variations : l’apprentissage est pourtant rapide et sans mauvaise surprise grâce à l’expérience maintenant diversifiée du réseau BOA et l’ambition de satisfaire les attentes d’une clientèle qui croît. Malgré la détermination des cadres et du personnel à Kinshasa et l’appui habituel de l’ensemble du Groupe, la montée en puissance de la BOA-RDC se heurte cependant à des facteurs extérieurs. Ainsi, l’environnement bancaire a connu en quelques années une densification spectaculaire en raison de l’intérêt marqué des grandes banques africaines : quelques-uns des principaux établissements d’Afrique centrale francophone, du Kenya, du Nigeria et de Tanzanie par exemple rejoignent en effet la place de Kinshasa où une quinzaine d’acteurs sont maintenant agréés. De plus, pour tenir compte des taux élevés d’inflation, la Banque Centrale a imposé en 2016 un triplement du capital social libéré, toujours fixé en USD, à 30 millions de USD.

Cette compétition redoutable et ces exigences financières vont être avant tout, pour BOA-RDC et ses équipes, des stimulants pour leur combativité, le renforcement continu de l’organisation et de la qualité du service offert, et l’élargissement de la palette des produits et des innovations. Les stratégies menées pour la conquête de publics variés attirent une clientèle toujours plus large et multiforme, et drainent les dépôts attendus pour la hausse des concours aux entreprises et aux particuliers. La Banque installe peu à peu ses agences à Goma, dans l’Est, puis à Lumumbashi, centre économique majeur, et étend à 7 agences son réseau à Kinshasa. Le Groupe répond aux efforts d’augmentation des fonds propres poursuivis par les Autorités en souscrivant des obligations à moyen terme pour préparer de futures augmentations du capital. Ces efforts de développement portent leurs fruits. BOA-RDC améliore régulièrement ses indicateurs de bilan et de résultats pour les porter au niveau des standards recherchés.  L’accélération de la croissance des dépôts et des crédits renforce régulièrement le poids et l’audience de la Banque dans le pays. A fin 2023, les profits des dernières années ont confirmé sa profitabilité et consolidé ses fonds propres. L’entrée récente de la RDC dans l’espace économique intégré de l’EAC, les opportunités offertes par une population de plus de 100 millions d’habitants et une exploitation mieux organisée de multiples ressources naturelles, les actions des Autorités pour la création d’un environnement plus favorable au développement économique, l’appui croissant des institutions internationales constituent des appui réalistes pour un avenir prometteur du système bancaire national au service du pays. L’atteinte par BOA-RDC en 2025 du nouveau capital minimum de 50 millions de USD édicté par la Banque Centrale lui permettra d’y participer pleinement et de poursuivre sainement son chemin.

Joyeux anniversaire et excellente année 2025 à la BOA-RDC et à ses équipes ! Que l’avenir leur soit radieux.

Paul Derreumaux

Article publié le 30/12/2024

BANK OF AFRICA-MADAGASCAR : The most amazing adventure

Even if all the BANK OF AFRICA are unforgettable for those who knew their birth, BANK OF AFRICA-MADAGASCAR (BOA-MADAGASCAR) holds a special place for the fears and enthusiasms, the sorrows and the happiness that it has inspired.

It was by accident, in 1997, that a trip to Antananarivo took place for a leasing company project.  The discovery of the « Big Island » is disconcerting by its populations, its civilization, its landscapes, so far from West Africa, the initial framework of the young Group under construction and its teams.  But we see it as a great opportunity to learn more about this African diversity and to be accepted by it.

The leasing project is carried out but will never be a great success. On the other hand, the stays it imposes allow us to better understand the national banking system. It is not very dense, and has several banks in the process of being privatized. The call for tenders is being launched for the largest, the National Bank for Rural Development (BTM). It is a behemoth compared to the five existing BOAs, with its 1600 employees and 70 agencies, and reviving it would be a gigantic task to conduct in an unknown world.  But how can we resist this new challenge? The Group then sends four employees to the site at the end of 1998 for detailed analyses, then submitted an offer. In the absence of major European or South African competitors, and to our happy surprise, BOA is selected in February. The adventure can begin…

Three difficult battles will be fought in the next 8 months. One, internal, will take place within the board of the holding company. Three camps stand out as soon as the « deal » is presented: the private directors, who are quickly won over by the prospects of the project; institutional investors, always cautious in the face of the unknown, and the european  bank shareholder, frankly hostile. For the latter, the dangers exceed BOA’s ability to succeed in this challenge: distance from other BOAs, excessive size of the target, difficulty in managing an entity outside the franc zone, too high cost. The file was reviewed by patiently responding to all the objections, which satisfied Proparco and the FMO, but the allied banker was inflexible. On the third attempt, the Board broke the taboo of the unanimity rule and validated the proposal: no one would ever have to regret it. Another phase then began in front of the Malagasy negotiators, who were used to such discussions and determined to have the objectives set for them accepted. Each side is firmly defending its positions and progress is slow. Between March and September 1999, it took no less than 5 « rounds » of tense negotiations in Paris, Antananarivo and Washington. Twice, the discussions are about to be broken off as the demands of one seem so far removed from the demands of the other. But the two teams end up to regard with esteem, mutually appreciating each other’s frankness and clarity of positions. The protocol signed in July in Paris has found an acceptable solution to the main issues under discussion: the fate of the BTM staff; procedures for maintaining branches; long-term leases of premises; financing by the State of outstanding debts; shareholding structure. It remains to be seen how the Group will finance the purchase of this major bank. Once again, solidarity, prudence and imagination will bring the right solution.  A sub-holding company of the Group, domiciled in Mauritius, was created in partnership with the BOAs of Benin and Côte d’Ivoire and, together with the holding, obtained approval to set up a banking subsidiary. The latter then buys BTM’s healthy assets at the same time as the final composition of the shareholder’s pool is completed : The State, national private shareholders, FMO and IFC, and later Proparco, were added.  In this set, BOA-MADAGASCAR will have the chance to rely on Malagasy private investors of exemplary quality and loyalty and on the State which will always respect its obligations.  The lucky star continues…

The follow up was easier from September 1999. The Group’s usual « recruiters » carefully and without incident choose the staff who are kept in place definitively and the others are compensated by the State. A team of five managers, including the Group’s two most experienced managers, moved to Antananarivo, and led all the planned structural transformations, with the full support of the retained national executives and agents. Computer scientists even managed to find a simple and economical solution to the « year 2000 bug » that worried us. At the end of November 1999, everything was ready: the legal « closing » was signed while all the BTM agencies switched overnight to the colours of the BOA. Even the mild sunshine of the season and the unique blue of the jacaranda flowers give this moment a festive air.  

From then on, the exciting work of reviving this bank began. The strategy is based on the optimal exploitation of the presence and audience of the former BTM, while giving the new entity the modernity, the diversity of services, the variety of audiences, ranging from households to the largest companies, which the Group knows well. The success of Tahiry accounts, savings accounts previously uncommon in BTM, will be particularly impressive. BOA-MADAGASCAR is also boldly and efficiently launching the subscription of Treasury bills. The shareholders themselves actively support these efforts: the share capital has thus increased sixfold in 25 years, with broad support for the requests. The years that have passed, however, have brought their share of unfortunate events: a serious political crisis in 2002, paralysing the activity of a country divided in two; heavy currency devaluation in its wake, reducing the value of the investment in Euros by 50%; above all, the distressing death of two of the Group’s best executives, posted in Antananarivo. Despite these setbacks, the teams continue to fight, confident that the strategy followed is the right one and that the results will be there. This is what is confirmed. BOA-MAGASACAR has established itself at the forefront of the banking market; its footprint of agencies, already gigantic, is still expanding; all types of customers, large or small, private and public, are loyal to him; still profitable, it pays generous dividends that strengthen shareholder confidence; its social actions have multiplied over time, anchoring the BOA in the national landscape.

The Bank has now built a beautiful headoffice, better suited to its size and ambitions. But its former headquarters, part of which has become a Cultural Centre, still sits majestic and peaceful at the top of Independence Square, as if it took great delight in the sounds of the capital. No doubt so that the elders remember with pride that the adventure began here, and to confirm that the founders, while nurturing hope and enthusiasm for a dazzling future, did not deny anything of a glorious past.

Happy birthday of 25 years of work and great achievements.

Paul Derreumaux

BANK OF AFRICA-MADAGASCAR : La plus étonnante des aventures

Même si toutes les BANK OF AFRICA sont inoubliables pour ceux qui ont connu leur naissance, la BANK OF AFRICA-MADAGASCAR (BOA-MADAGASCAR) tient une place spéciale par les peurs et les enthousiasmes, les peines et les bonheurs qu’elle a inspirés.

C’est par hasard, en 1997, qu’a lieu un voyage à Antananarivo pour un projet de société de crédit-bail.  La découverte de la Grande Ile déconcerte par ses populations, sa civilisation, ses paysages, si éloignés de l’Afrique de l’Ouest, cadre initial du jeune Groupe en construction et de ses équipes.  Mais nous y voyons une grande chance de mieux connaitre cette diversité africaine et de nous y faire accepter.

Le projet de leasing va aboutir mais ne sera jamais un grand succès. En revanche, les séjours qu’il impose permettent de connaitre le système bancaire national. Peu dense, il compte plusieurs banques en cours de privatisation. L’appel d’offres va être lancé pour la plus grande, la banque nationale pour le développement rural (BTM). C’est un mastodonte par rapport aux cinq BOA existantes, avec ses 1600 salariés et ses 70 agences, et le faire revivre serait une tâche gigantesque à conduire dans un monde inconnu.  Mais comment résister à ce nouveau défi ? Le Groupe dépêche donc sur place fin 1998 quatre collaborateurs pour des analyses détaillées, puis dépose une offre. Faute de grands concurrents européens ou sud-africains, et à notre heureuse surprise, BOA est retenue en février. L’aventure peut commencer…

Trois batailles difficiles seront menées dans les 8 mois qui vont suivre. L’une, interne, va se dérouler au sein du Conseil de la holding. Trois camps se distinguent dès que le « deal » est présenté : les administrateurs privés, vite conquis par les perspectives du projet ; les institutionnels, toujours prudents devant l’inconnu, et la banque européenne actionnaire, franchement hostile. Pour celle-ci, les dangers dépassent les capacités de BOA à réussir ce pari : éloignement des autres BOA, taille excessive de la cible, difficulté de gérer une entité hors zone franc, coût trop élevé. Le dossier est revu en répondant patiemment à toutes les objections, ce qui satisfait Proparco et le FMO, mais le banquier allié est inflexible. A la troisième tentative, le Conseil brise le tabou de la règle d’unanimité et valide la proposition : personne n’aura jamais à le regretter. Une autre phase démarre alors face aux négociateurs malgaches, rompus à de telles discussions et bien décidés à faire admettre les objectifs qui leur ont été fixés. Chaque partie défend fermement ses positions et les progrès sont lents. Entre mars et septembre 1999, il ne faudra pas moins de 5 « rounds » de négociations tendues à Paris, Antananarivo et Washington. Par deux fois, les discussions sont à un fil d’être rompues tant les demandes de l’un paraissent éloignées des exigences de l’autre. Mais les deux équipes finissent par s’estimer, appréciant mutuellement la franchise et la clarté des positions de chacune. Le protocole signé en juillet à Paris a trouvé une solution acceptable pour les principales questions en débat : sort du personnel de la BTM ; modalités de maintien des agences ; baux emphytéotiques des locaux ; financement par l’Etat des créances en souffrance ; structure de l’actionnariat. Il reste à trouver comment le Groupe va financer l’achat de cette grande banque. Une fois de plus, la solidarité, la prudence et l’imagination vont apporter la bonne solution.  Une sous-holding du Groupe, domiciliée à l’île Maurice, est créée en partenariat avec les BOA du Bénin et de Côte d’Ivoire et, jointe à la holding, obtient l’agrément d’implantation d’une filiale bancaire. Celle-ci achète ensuite les actifs sains de la BTM en même temps que se complète la composition définitive du « tour de table ». Vont en effet s’ajouter l’Etat, des actionnaire privés nationaux, le FMO et la SFI, et plus tard Proparco .  Dans cet ensemble, BOA-MADAGASCAR aura la chance de s’appuyer sur des investisseurs privés malgaches d’une qualité et d’une fidélité exemplaires et sur l’Etat qui respectera toujours ses obligations.  La bonne étoile continue.

La suite est plus facile à compter de septembre 1999. Les « recruteurs » habituels du Groupe choisissent avec soin et sans incident le personnel maintenu définitivement en place et les autres sont indemnisés par l’Etat. Une équipe de cinq responsables, dont les deux dirigeants les plus chevronnés du Groupe, s’installe à Antananarivo, et pilote toutes les transformations structurelles programmées, avec le plein soutien des cadres et agents nationaux conservés. Les informaticiens réussissent même l’exploit de trouver une solution simple et économe face au « bug de l’an 2000 » qui nous inquiétait. Fin novembre 1999, tout est prêt : le « closing » juridique est signé tandis que toutes les agences de la BTM basculent en une nuit aux couleurs de la BOA. Même le doux soleil de la saison et le bleu unique des fleurs de jacarandas donnent un air de fête à cet instant.   

Dès lors démarre le travail passionnant de la renaissance de cette banque. La stratégie se fonde sur l’exploitation optimale de l’implantation et de l’audience de l’ex-BTM, tout en donnant à la nouvelle entité la modernité, la diversité de services, la variété de publics, allant des ménages aux plus grandes entreprises, que le Groupe connait bien. Le succès des comptes Tahiry, comptes d’épargne, inusités auparavant dans la banque, sera notamment impressionnant. BOA-MADAGASCAR se lance aussi avec audace et efficacité dans la souscription des bons du Trésor. Les actionnaires soutiennent eux-mêmes activement ces efforts : le capital social est ainsi sextuplé en 25 ans, avec une large adhésion aux sollicitations. Les années qui s’écoulent apportent pourtant leur lot d’évènements malheureux : grave crise politique en 2002, asphyxiant l’activité d’un pays coupé en deux ; lourde dévaluation monétaire à sa suite, réduisant d’un coup de 50% la valeur en Euros de l’investissement ; surtout, disparition éprouvante de deux des meilleurs cadres du Groupe, en poste à Antananarivo. Malgré ces coups durs, les équipes continuent de se battre, confiantes que la stratégie suivie est la bonne et que les résultats seront au rendez-vous. C’est bien ce qui se confirme. BOA-MAGASACAR s’est installée au premier rang de la place bancaire ; son périmètre d’agences, déjà gigantesque, s’agrandit encore ; tous les types de clientèle, grandes ou petites, privées comme publiques, lui sont fidèles ; toujours bénéficiaire, elle sert de généreux dividendes qui renforcent la confiance des actionnaires ; ses actions sociales se sont multipliées au fil du temps, ancrant la BOA dans le paysage national.

La Banque a construit aujourd’hui un beau siège, mieux adapté à sa taille et à des ambitions. Mais son ancien siège, dont une partie est devenue Centre culturel, trône toujours, majestueux et paisible, au sommet de la Place de l’Indépendance, comme s’il se délectait des bruits de la capitale. Sans doute pour que les anciens se souviennent avec fierté que l’aventure a commencé ici, et pour confirmer que les fondateurs, tout en nourrissant l’espoir et l’enthousiasme d’un brillant futur, n’ont rien renié d’un glorieux passé.

Joyeux anniversaire de 25 ans de travail et de belles réalisations.

Paul Derreumaux

Article publié le 26/11/2024

ÉTATS UNIS : où ira-t-on avec Donald Trump ?

Le suspense a pris fin à 10 heures 30 GMT ce 6 novembre. Avec déjà 277 « grands électeurs » favorables, contre 270 requis, Donald Trump emportait l’élection de novembre, devenant le 47ème Président des États-Unis d’Amérique. L’incertitude aura été plus brève que pour Joe Biden en 2020 où il avait fallu attendre plusieurs jours pour connaître le sort des urnes.  Peut-être cette avance confortable explique-t-elle que les félicitations à M. Trump de ses pairs ont afflué avant même que la majorité lui soit acquise. Si cela est compréhensible de la part de certains peu soucieux de formalisme, l’empressement des dirigeants de grands espaces démocratiques -Inde, Union Européenne, Allemagne, France- est plus étonnant. Serait-ce la peur de s’exprimer en dernier vis-à-vis d’une personnalité facilement irascible et revancharde ?

Le débat entre les deux candidats s’est appuyé sur quelques idées-forces. Mme Harris défendait des valeurs sociales progressistes, en particulier au profit des femmes, et a été très vague, voire silencieuse, sur son projet économique. M. Trump a repris des thèmes de 2016 : conservatisme maximal aux plan social et religieux ; défense des intérêts des populations défavorisées et baisses d’impôts pour l’économie. Tous deux étaient protectionnistes, anti-immigration et isolationnistes au plan international, la première avec diplomatie, le second avec brutalité. Après coup, il apparait que les choix suivants l’ont emporté. D’abord, une nette priorité accordée aux questions économiques nationales, à deux niveaux ; lutte contre le déclassement, le chômage, la main d’œuvre étrangère pour les classes populaires ; baisses d’impôts et ultralibéralisme pour les « possédants ». Le bond du Dow Jones et du Nasdaq – respectivement +3,0% et +3,6% dès le 6 novembre- montre combien les bourses apprécient le résultat. Ensuite, une victoire des valeurs traditionnelles – surtout hors des grandes villes mais pas seulement, et y compris chez les immigrés- sur les orientations morales défendues d’abord par les urbains et les jeunes. Enfin, le peu d’importance accordé aux outrances, incohérences et promesses fantaisistes du vainqueur pour la désignation de celui qui incarnerait leur pays pendant 4 ans. Resteront deux questions importantes mais sans réponse : les Démocrates ont-ils bien choisi leur candidat ? Les Etats-Unis étaient-ils prêts à élire une femme ?

Disposant d’une marge de manœuvre plus grande qu’en 2016 – large majorité des voix, victoire au Sénat -, le Président élu s’efforcera d’appliquer au plus vite ses idées, aux États-Unis comme vis-à-vis du monde. Même avec la versatilité du personnage et les obstacles avec lesquels il devra composer, des changements sont à attendre sur au moins trois sujets. A l’intérieur, la concrétisation du slogan « MAGA » (Make America Great Again) est l’objectif central. Trump bénéficie ici d’un «alignement de planètes» : croissance soutenue, inflation maîtrisée, performances excellentes dans l’innovation et la productivité. Il va lui faciliter la mise en œuvre de baisses d’impôts et de taux d’intérêt, de hausse des droits de douane, de réduction des prix de l’énergie. Mais cette politique peut relancer l’inflation, notamment si des mesures drastiques anti-immigratoires augmentent les tensions sur l’emploi ou ralentissent la production, et faire baisser à l’excès le dollar. Ceci exigerait des mesures correctrices très pointillistes pour stopper ces dérapages sans casser la croissance, comme M. Powell a su le faire en 2023, Il n’est pas sûr que M. Trump accepterait facilement cette remise en cause. D’autres incertitudes pourraient apparaitre : l’annulation ou l’amendement de « l’Inflation Reduction Act » provoquerait l’arrêt de programmes créateurs de nombreuses industries dans des secteurs clés pour l’avenir et pénaliserait la croissance et l’emploi ; en matière financière, un ultralibéralisme favorable à l’essor du « shadow banking » ou des cryptomonnaies dans un système déjà peu contrôlable accroitrait les risques de crise financière, que les États-Unis ont déjà connue.

Vis-à-vis des grandes puissances étrangères, les évolutions sont plus incertaines puisqu’elles dépendront aussi des réactions des interlocuteurs.  On peut cependant s’attendre à ce que les positions de Trump soient immédiatement antinomiques à celles de la Chine, qui cherche à la fois à soutenir son économie, et donc ses exportations, et à devenir une seconde superpuissance. Les champs de confrontation seront à la fois économiques – guerre de monnaies et de taxes- et politiques, pour le cas de Taipeh. L’Union Européenne va être aussi dans une situation difficile. Elle est affaiblie économiquement (croissance insignifiante en 2024 et 2025 ; manque structurel de productivité et de compétitivité souligné par le Rapport Draghi) et politiquement (pouvoirs de l’exécutif très restreints en France, coalition gouvernementale défaite ce 6 novembre en Allemagne). Les relations de ses membres envers les États-Unis sont variées, pilotées selon les cas par des facteurs économiques ou politiques. Elle va devoir affronter le Président Trump sur le niveau du soutien apporté à l’Ukraine, voire sur une paix avec la Russie acquise au prix fort, mais aussi sur les règles de compétition économique avec les États-Unis. Ces tensions vraisemblables, attendues par beaucoup, pourraient être bénéfiques pour que la « Vieille Europe » mobilise ses énergies humaines, financières, techniques au service d’un grand dessein politique et économique pour son futur, comme réalisé en d’autres occasions. Mais il lui faudrait une détermination et une solidarité plus fortes que celles qu’elle possède présentement.  

En Afrique, États et populations ont probablement suivi les élections américaines avec plus de détachement qu’ailleurs.  Le continent n’a été la préoccupation des États-Unis, y compris sous la Présidence de Barack Obama, que pour quelques pays et secteurs clés, et non dans son ensemble au vu de ses 1,4 milliards d’habitants et de ses besoins de développement. Donald Trump n’y est jamais venu durant son premier mandat. L’impact des futures orientations américaines sera cependant notable à travers divers canaux : situation de l’Ukraine, relance de la production pétrolière aux États-Unis, exemple donné pour les freins à l’immigration, désintérêt pour la lutte mondiale contre le dérèglement climatique, … Deux évolutions pourraient en résulter pour les pays africains : la tentation de se tourner davantage vers les perspectives offertes par le « Sud Global » ; la prise de conscience que, plus que jamais, la résolution des problèmes existants viendra d’eux-mêmes et de leur capacité à construire un avenir économique cohérent de leurs nations. La première est probable ; la seconde pourra difficilement être suivie par tous.

Comme prévu, l’impact mondial de l’élection américaine est inévitable. A l’intérieur des États-Unis comme à l’étranger, les effets dépendront de la façon dont le nouveau Président cherche à appliquer ses idées en tenant compte ou non de ceux qui ne l’ont pas élu ou qui ne dépendent pas de son autorité. Plus puissant et mieux préparé qu’en 2016, M. Trump saura-t-il inclure une dose de pragmatisme, de diplomatie et de vision à long terme dans ses actions, qui s’impose aux Hommes d’État, et impulser alors des changements profitables. S’il veut au contraire être le « dictateur » qu’il annonce, il ne peut s’attendre à ce que ses opposants acceptent ses diktats sans broncher. La paix, qu’il appelle par ailleurs de ses vœux, risque alors de ne pas être au rendez-vous et la démocratie américaine d’être en sérieuse difficulté.

Paul Derreumaux

Article publié le 08/11/2024

BANK OF AFRICA-UGANDA : A STRENGTHENED EAST AFRICAN PRESENCE OF BOA IN 2006

On this day at the end of 2005, Kenya Airways’ morning Boeing 737 from Nairobi is approaching Entebbe airport. With the bright sky of the dry season, the first image of travelers is the magnificent view of Lake Victoria with its immensity and intense blue. However, the small team of the BANK OF AFRICA (BOA) does not linger. It hurries to join the Financial Manager of the Allied Bank who is waiting for in the parking lot, and they all take the long road that will lead them to Kampala. Thus began the first field mission that would lead a year later to the BANK OF AFRICA-UGANDA.

For a few months now, BOA’s holding company has resumed its negotiations with the Belgolaise bank for the purchase of part of its African network. After more than a year of fruitless discussions, particularly for Ghana’s branch, efforts are focused on the acquisition of the Belgian Group’s majority stake in its subsidiaries in Uganda and Tanzania. Both banks are small, but they are a crucial stake in strengthening a recent entry into the East African Community (EAC). Several favourable factors will play a role in facilitating and accelerating the establishment in Uganda in the first place.

In 2005, Allied Bank ends a difficult period during which it had been well restructured. The Ghanaian Managing Director who was then at the helm of the bank used his experience, his knowledge of the field and his « leadership » talents to mobilize his teams in a heavy work of reorganization, modernization and commercial revival. The managers and staff around him have actively worked on this project, which is now bearing its first fruits.

On BOA’s side, the due diligence goes smoothly and gives a clear idea of the institution’s situation, the likely cost of the purchase, the extent of further investments to be made and the possible strategy. A fraction of the time spent in Kampala is also used to raise awareness of the BOA Group and to convince key local stakeholders of its strengths. This is of course first and foremost the case for the staff, who are concerned about whether this French-speaking bank will be able to impose itself in Uganda, adapt its methods to the local context and instil the dynamism that has been lacking in recent years in the outgoing shareholder. The same presentation is held at the Central Bank that must be listened to in order to understand the rules that will have to be respected to obtain the authorization of this purchase, as well as to then carry out the bank’s activities. On leaving Kampala, the mission’s conviction was fixed: the audit did not reveal any anomalies likely to call into question the preliminary discussions, the growth potential of the bank and its contribution to regional synergy is significant, and the welcome received was positive. So it’s necessary to move quickly to take the steps.

Once this orientation has been validated by the Board, several trips to Uganda at a rapid pace will lead to a quick evolution of the file. From the first return to the site, the Managing Director of Allied, who was absent during the initial stay, will be a valuable support. As comfortable in commercial or administrative contacts as he is attentive in control, with a clear vision of the potential of his bank and the means to achieve them, he is ready to continue his mission, which would extend the work already accomplished. He easily adheres to the orientations set out for the future: preservation of the existing clientele but strong broadening and diversification of the target public; building a network of branches; « all-out » exploitation of synergy’s advantages in the AEC; continuous policy of modernization and integration into the BOA Group, especially for « key accounts ». It was therefore easily decided that he and all the members of staff who wished to do so would be able to remain in place. Their overall acceptance, as well as that of the Chairman of the Board approached for this purpose, make it possible to place the approach adopted under the sign, reassuring for all, of a perfect continuity of the teams at the service of the new expansion policy supported by a Group in broad development.

At the Central Bank, the application for approval is also progressing rapidly. In view of the regulatory requirements, the essential role of BANK OF AFRICA-KENYA is confirmed. The Group therefore immediately achieves a capital increase of the latter, which gives it the financial means to hold a 46% stake in the capital of the subsidiary being created. Kenya’s two partners, FMO and Aureos Investment Fund, each acquire 22% of the capital. Central Holdings Uganda, already a shareholder in Allied Bank, maintains its 10% stake and will remain a loyal partner. On this solid basis, and facilitated by the diligence of the Governor of the Central Bank and his staff, the agreement was obtained in May 2006. The lengthy legal updates efficiently carried out by the Group’s Kenyan lawyer lead to the opening of BOA-UGANDA in October 2006.

From then on, the new entity will be able to seize all opportunities to improve its visibility and growth. Through its emphasis on commercial activities and quality of service, the Bank succeeds in retaining its previous clientele and rapidly developing its audience despite increased competition from the arrival of new institutions. The construction of its new headquarters strengthens its attractiveness, improves the installation of growing teams and facilitates their work. Methodically, BOA-UGANDA builds a dense network of branches in the capital and in the rest of the country and became the « all public » banking institution that was sought. The dynamism of Uganda’s economy and businesses is driving the impact of these various initiatives. Thanks to them, and to the impressive leaps in equity capital – multiplied nearly 20 times in EUR between 2006 and 2023 – BOA-UGANDA is progressing on the banking market and is gradually entering the category of « Tier 2 » banks. Admittedly, it is hit as everywhere by the systemic crisis of Covid 19 and also suffers the disadvantages of frequent currency depreciations. Despite everything, the figures speak for themselves: in 18 years, the balance sheet as well as deposits and loans will have multiplied by 12 to 15 times in Ugandan shillings, while the bank will have remained almost constantly profitable.

The latter is resolutely charting its course in the harmonious balance of a strong local anchoring and an active contribution to a banking network in continuous growth. Regional integration has been strengthened with BOA-KENYA becoming the majority after the departure of FMO and Aureos. The young Financial Manager of 2006 became today the Bank’s Managing Dircector and has lost none of his enthusiasm and commitment. The Bank, its team and its shareholders continue to invest and innovate. BOA-UGANDA has not finished growing and surprising.

Happy birthday and big hits ahead.                   

Paul Derreumaux

BANK OF AFRICA-OUGANDA : UNE PRESENCE EST-AFRICAINE RENFORCEE DE BOA EN 2006

En cette matinée de fin 2005, le Boeing 737 matinal de Kenya Airways venant de Nairobi fait son approche de l’aéroport de d’Entebbe. Avec le ciel azuréen de la saison sèche, la première image des voyageurs est la magnifique vue du lac Victoria avec son immensité et son bleu intense. Pourtant, la petite équipe de la BANK OF AFRICA (BOA) ne s’attarde pas. Elle se hâte de rejoindre le Directeur Financier de la banque Allied Bank qui l’attend sur le parking, et tous prennent la longue route qui va les conduire à Kampala. Ainsi s’engage la première mission de terrain qui conduira un an plus tard à la BANK OF AFRICA-OUGANDA.

Depuis quelques mois, la holding de BOA a repris en effet ses négociations avec la banque Belgolaise pour l’achat d’une partie de son réseau africain. Après plus d’un an de discussions infructueuses, en particulier au Ghana, les efforts se concentrent sur l’acquisition de la participation majoritaire du Groupe belge dans ses filiales d’Ouganda et de Tanzanie. Les deux banques sont petites, mais constituent toutes deux un enjeu crucial pour renforcer une entrée récente dans l’East African Communiry (EAC). Plusieurs facteurs favorables joueront pour faciliter et accélérer d’abord l’installation en Ouganda.

En 2005, Allied Bank termine une période délicate durant laquelle elle a été bien restructurée. Le Directeur Général ghanéen qui pilote alors la banque a utilisé son expérience, sa connaissance du terrain et ses talents de « leadership » pour mobiliser ses équipes dans un lourd travail d’assainissement, de modernisation et de relance commerciale. Les cadres et le personnel qui l’entourent ont activement oeuvré à ce chantier qui porte maintenant ses premiers fruits.

Du côté de BOA, la « due diligence » se passe sans encombre et donne une idée claire de la situation de l’établissement, du coût probable de l’achat, de l’étendue des investissements ultérieurs à réaliser et de la stratégie possible. Une fraction du temps passé à Kampala est aussi employée à mieux faire connaitre le Groupe BOA et à convaincre les principaux interlocuteurs locaux des atouts de celui-ci. C’est bien sûr d’abord le cas du personnel, préoccupé de savoir si cette banque francophone pourra s’imposer en Ouganda, adapter ses méthodes au contexte local et insuffler le dynamisme qui manquait ces dernières années à l’actionnaire sortant. C’est le même discours qui est tenu à la Banque Centrale, qu’il faut surtout écouter afin de comprendre les règles qui seront à respecter pour obtenir l’autorisation de ce rachat, comme pour mener ensuite les activités de la banque. Au départ de Kampala, la conviction de la mission est arrêtée : l’audit n’a pas révélé d’anomalies susceptibles de remettre en cause les discussions préliminaires, le potentiel de croissance de la banque et de son apport en synergie régionale est important, l’accueil reçu a été positif. Il faut donc aller vite pour franchir les étapes.

Une fois cette orientation validée par le Conseil de la holding de BOA, plusieurs voyages en Ouganda à cadence rapprochée conduiront à une évolution rapide du dossier. Dès le premier retour sur place, le Directeur Général de Allied, absent lors du premier séjour, va être un précieux appui. Aussi à l’aise dans les contacts commerciaux ou administratifs qu’il est attentif dans le contrôle, possédant une vision claire des potentialités de sa banque et des moyens de les atteindre, il est prêt à poursuivre sa mission, qui prolongerait le travail déjà accompli. Il adhère aisément aux orientations exposées pour l’avenir : préservation de la clientèle existante mais élargissement et diversification maximaux du public visé ; construction d’un réseau d’agences ; exploitation « tous azimuts » de l’atout de la synergie dans l’AEC ; politique continue de modernisation et d’intégration dans le Groupe BOA, surtout pour les « grands comptes ». Il est donc vite retenu que lui-même et tous les membres du personnel qui le souhaiteront pourront rester en place. Leur acceptation d’ensemble, comme celle du Président du Conseil approché à cette fin, permettent de placer l’approche retenue sous le signe, rassurant pour tous, d’une parfaite continuité des équipes au service de la nouvelle politique d’expansion soutenue par un Groupe en plein développement.

Auprès de la Banque Centrale, la demande d’agrément progresse aussi à grand pas. Au vu des exigences réglementaires, le rôle essentiel de la BANK OF AFRICA-KENYA s’impose. Le Groupe réalise donc sans délai l’augmentation de capital de cette dernière qui lui donne les moyens financiers d’une participation de 46% au capital de la filiale en cours de création. Les deux partenaires du Kenya, le FMO et le Fonds d’Investissement Aureos, acquièrent chacun 22% du capital. La société Central Holdings Uganda, déjà actionnaire de Allied Bank, maintient sa participation de 10% et restera un fidèle partenaire. Sur cette base solide, et facilité par la diligence du Gouverneur de la Banque Centrale et de ses collaborateurs, l’agrément est obtenu dès mai 2006. Les mises au point juridiques, longues mais efficacement conduites par l’avocate kenyane du Groupe, conduiront à l’ouverture de la BOA-OUGANDA en octobre 2006.

Dès lors, la nouvelle entité saura saisir toutes les opportunités pour améliorer sa visibilité et sa croissance. Par l’accent porté sur les actions commerciales et la qualité de service, la Banque réussit à garder son ancienne clientèle et développe rapidement son public malgré une compétition redoublée par l’arrivée de nouvelles institutions. La construction de son nouveau siège renforce son attraction, améliore l’installation d’équipes en effectif croissant et facilite leur travail. Méthodiquement, BOA-OUGANDA construit un dense réseau d’agences dans la capitale et sur le reste du territoire et devient bien l’établissement bancaire « tous publics » qui était recherché. Le dynamisme de l’économie et des entreprises ougandaises stimule l’impact de ces diverses initiatives. Grâce à elles, et aux bonds impressionnants des fonds propres -multipliés près de 20 fois en EUR entre 2006 et 2023-, BOA-OUGANDA progresse sur la place bancaire et s’inscrit peu à peu dans la catégorie appréciée des banques « Tier2 ». Certes, elle est frappée comme partout par la crise systémique du Covid 19 et subit aussi les inconvénients des fréquentes dépréciations monétaires. Malgré tout, les chiffres sont éloquents : en 18 ans, le bilan comme les dépôts et les crédits auront été multipliés de 12 à 15 fois en Shillings Ougandais, tandis que la banque sera restée presque constamment bénéficiaire.

Celle-ci trace résolument son chemin dans l‘équilibre harmonieux d’un ancrage local fort et d’une contribution active à un réseau bancaire en croissance régulière. L’intégration régionale s’est renforcée avec une BOA-KENYA devenue majoritaire après le départ du FMO et d’Aureos. Le jeune Directeur Financier de 2006 est devenu Directeur Général et n’a rien perdu de son enthousiasme et de son engagement. La Banque, son équipe et ses actionnaires continuent à investir et à innover. BOA-OUGANDA n’a donc pas fini de grandir et de surprendre.

Joyeux anniversaire et grands succès à venir.

Paul Derreumaux

COP 29 en vue : quoi de neuf depuis un an ?

En novembre prochain, une très grande majorité des Etats et des grandes organisations devraient se retrouver à Bakou pour la 29ème Conférence Internationale sur le Climat (COP 29). A moins d’un mois de cette rencontre, les changements intervenus depuis la COP 28 diffèrent selon qu’on observe les décisions collectives mises en œuvre, l’évaluation des dangers, les efforts des Etats, les progrès des entreprises ou la situation de l’Afrique.

La réunion de Dubaï en novembre 2023 n’avait permis que des décisions limitées et leur mise en application est fort lente. Un des résultats tangibles les plus importants a été la création du « Fonds Pertes et Dommages » pour le financement de la réparation des dégâts liés aux accidents climatiques dans les Pays les moins Avancés, demandé de longue date, Toutefois, celui-ci est encore loin d’être opérationnel et n’a recueilli que des promesses d’engagement à concrétiser. Sur un autre plan, les 100 milliards de USD que les pays riches avaient décidé en 2009 d’apporter chaque année, entre 2020 et 2030, au profit des actions des pays en développement visant à éviter et combattre les dérèglements du climat n’ont été atteints qu’en 2022. Ces montants sont cependant surtout d’origine privée et sous forme de prêts, et apparaissent aujourd’hui notoirement insuffisants. De multiples structures sont apparues, mais un bilan d’ensemble des réalisations et de leurs résultats est à faire. Si cette profusion d’initiatives confirme une prise de conscience généralisée et un recul du « climatoscepticisme », les actions menées illustrent le peu d’enthousiasme pour un travail commun sur les enjeux les plus décisifs -comme cet agrément « équivoque » de la COP 28 sur le « transitional way » vers les énergies renouvelables-, faute d’une gouvernance mondiale plus contraignante et unanimement acceptée, et d’approches techniques agréées par tous.

Face à ce constat décevant, les évolutions climatiques se font plus menaçantes. Les derniers rapports du Groupe d’Experts pour le Climat (GIEC) détaillent des points d’inquiétude plus nombreux et plus dégradés- fonte accélérée des glaciers, surtout dans l’Arctique, qui est peut-être l’indicateur le plus inquiétant ; montée des eaux ; réchauffement généralisé des terres et océans ; accidents climatiques multipliés. La limitation de la hausse des températures mondiales à 1, 5° par rapport à l’ère préindustrielle parait désormais quasiment impossible et une borne alarmiste à +2,5° semble déjà difficile à l’horizon 2050. Dans de nombreux pays, longues sécheresses et graves inondations peuvent alterner à bref délai, parfois aux mêmes endroits : les Philippines, le Brésil, la Californie, l’Espagne, l’Ethiopie, la Chine en ont été victimes ces deux dernières années. Cyclones et ouragans semblent gagner en violence et en fréquence : la Floride essuie ce mois en 8 jours les deux ouragans Hélène et Miton de force 5. Au Brésil, une forte sécheresse a ravivé les feux de forêt en Amazonie alors que la déforestation humaine avait été stoppée pour l’essentiel. Les contraintes climatiques perturbent les pratiques agricoles ancestrales, de l’élevage bovin ou de la vigne en Europe. Le réchauffement réduit la diversité biologique dans le monde entier. Les faits nous rappellent donc sans cesse l’urgence des combats à mener.

Ceux-ci semblent toutefois s’être renforcés au niveau des Etats, en particulier pour le « mix énergétique ». Dans l’Union Européenne (UE), les énergies renouvelables constituent désormais, selon une étude du bureau Strategic Perspectives, environ 25% de la production d’électricité mais atteignent des niveaux très inégaux – en 2022, 66% du total en Suède mais seulement 21% en Allemagne et 23% en France-. Les progrès s’accélèrent avec le Plan Vert mais restent en ordre dispersé : pour 2030, le taux des « énergies propres » approcherait 80% en Espagne, mais la partie orientale de l’UE, Pologne exclue, ne sera qu’en début de mutation. De plus, certains objectifs particulièrement ambitieux pour la protection de l’environnement pourraient être revus à la baisse, en raison des rejets exprimés par certains secteurs d’activité comme l’agriculture. C’est toutefois en Chine, qui domine la production mondiale de panneaux solaires, d’éoliennes et de batteries, que l’évolution est la plus spectaculaire : la capacité d’électricité photovoltaïque y a doublé ces deux dernières années, représentant plus de 50% de la hausse mondiale, même si la situation est encore nettement moins favorable pour les utilisations effectives. Aux Etats-Unis, la hausse est moins impressionnante, mais la priorité donnée à la recherche-développement dans les investissements réalisés est porteuse pour l’avenir.  En Inde, la société Total construit un « giga-parc » mixte -solaire et éolien- d’une capacité totale annoncée de 50 GW en 2030. Les changements opérés donnent des progrès visibles pour les gaz à effet de serre, où les émissions nouvelles de CO2 ralentissent leur hausse, voire reculent -comme en France en 2023 et 2024, et même en Chine en 2024.

A côté des Etats, l’action des entreprises est restée déterminante pendant l’année écoulée. Ce sont elles qui adaptent et inventent les techniques et les produits capables d’être moins énergivores, moins nocifs pour la nature et l’environnement, plus durables. Ces actions concernent un nombre croissant de sociétés de toutes sortes, poussées à la fois par la recherche de coûts plus réduits dans leurs mode de production et de produits plus attractifs par une empreinte carbone plus modérée et/ou de nouvelles préférences des consommateurs. Ces transformations sont nombreuses et touchent tous les secteurs : recyclage de biens de consommation pour l’allongement de leur durée de vie ; changement de matériaux pour certains articles ; nouvelles méthodes de production ; produits alimentaires aux besoins en eau plus modestes… Cette mutation continue n’est pas désintéressée : le dérèglement pénaliserait plus que prévu la croissance économique mondiale – -12% sur 6 ans par degré de réchauffement selon une étude de Harvard – tandis que la décarbonation des produits peut à la fois diminuer des coûts de fonctionnement et rendre tolérables des prix plus élevés. Si ces constats favorisent   l’accélération des mutations, de gros défis peinent à progresser : le stockage du CO2 en grande profondeur n’est qu’au stade d’expérimentation par quelques firmes danoises et norvégiennes ; la diminution du méthane, autres gaz à effet de serre, est à peine ébauchée.

Loin de ces progrès, dans l’attente des financements promis, l’Afrique a aussi subi en 2024 son lot d’accidents climatiques.  Aux régions déjà sévèrement touchées, s’est ajouté le Sahel, lourdement frappé par des inondations d’ampleur inhabituelle : près de 1500 morts identifiés, des milliers de personnes déplacées, maisons et récoltes détruites,… Sur le continent, les principaux investissements recensés concernent surtout les énergies renouvelables. Toutefois, même en ce domaine, les grands programmes pluriannuels, comme celui récemment annoncé en Côte d’Ivoire, restent rares. De plus, les efforts impulsés en 2023, par le Kenya et l’Afrique du Sud notamment, pour que l’Afrique subsaharienne parle d’une seule voix et formule ses propres propositions, semblent plus difficiles à reproduire cette année : les tensions politiques internes ou régionales et les difficultés économiques imposent aux Etats des urgences plus nombreuses qui pénalisent les réflexions stratégiques pourtant indispensables.

Selon les angles d’observation adoptés, le bilan se révèle donc fort inégal. Décevant pour les actions collectives qui se limitent jusqu’ici pour l’essentiel aux effets d’annonce. Inquiétant pour l’aggravation des risques encourus et la multiplication des signaux d’alerte. En amélioration pour les interventions des Etats face à des dangers majeurs, mais dispersé selon les pays dans les résultats déjà atteints. Encourageant pour les investissements des entreprises, conscientes de l’intérêt que représente pour elles la prise en compte de ces exigences climatiques. Attristant pour l’Afrique, toujours victime de l’insuffisance de ses moyens et de son isolement. La faiblesse d’ensemble dans ces rythmes de réponse empêche de desserrer l’étreinte des dangers. Il reste à souhaiter que la COP 29 saura mettre en valeur l’urgence des périls et convaincre tous les acteurs de renforcer leurs actions, au moins individuelles.

Paul Derreumaux

Article publié le 22/10/2024

BANK OF AFRICA : l’installation tant attendue au Sénégal en 2001

L’«aventure » imprévue  mais extraordinaire vécue par BANK OF AFRICA (BOA) à Madagascar a concentré provisoirement les énergies et les financements de la holding du Groupe sur de nouveaux horizons, mais n’a pas remis en cause sa priorité stratégique de compléter sa présence dans l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA). Après l’ouverture de la nouvelle filiale à Antananarivo fin 1999, le projet d’implantation du réseau à Dakar, souhaité de longue date, est donc repris.

Le contexte interne est favorable. Les fonds propres de la holding de tête du Groupe se sont nettement consolidés depuis 1998, en prévision de nouveaux investissements. Le capital libéré passe de 30 à 75 millions de francs français (FRF) entre 1998 et 2001. Il atteindra le seuil symbolique de 100 millions de FRF, soit 15,2 millions d’Euros, en 2003. Le bilan de cette structure centrale a triplé sur la même période et les bons résultats des filiales apportent des bénéfices croissants, et donc des dividendes réguliers à ses actionnaires ainsi encouragés. Grâce à cette bonne évolution, BOA a étoffé son équipe d’assistance technique, passée à 27 experts en 2001, partagés entre les 5 filiales en activité et les Structures Centrales qui se spécialisent.

C’est donc avec enthousiasme que le Conseil d’Administration se saisit de nouveau du projet sénégalais. L’attraction de ce pays, deuxième puissance économique et pôle politico-culturel essentiel de l’UEMOA, est ancienne. Une première tentative avait avorté en 1991 et le dossier avait été longtemps mis au second plan en raison d’appréhensions diverses, telles la densité et la puissance de la concurrence, et les risques élevés en matière de distribution de crédit. Avec la montée en puissance du réseau, il faut franchir définitivement le pas. En septembre 2000, les équipes se sont mises à la recherche d’opportunités d’une prise de participation majoritaire dans une banque de la place, mais aucune réponse favorable n’est obtenue. Dès début 2001, le choix est fait de créer une filiale « ex nihilo », revenant ainsi à la pratique initiale de BOA qui avait prouvé son efficacité.

Deux chantiers s’ouvrent alors qui seront rondement menés. La constitution de l’actionnariat de la future BANK OF AFRICA-SENEGAL (BOA-SENEGAL), d’abord : la holding ayant retenu de détenir 60% du capital, des alliés habituels -Proparco, FMO, les BOA du Bénin et de Côte d’Ivoire- souscrivent aisément le solde, après qu’une place a été réservée à deux sociétés d’assurance et à quelques privés locaux. Le dossier de demande d’agrément auprès de la Banque Centrale, ensuite. Le capital initial de 1,5 milliard de FCFA ayant été immédiatement libéré, les documents requis sont confectionnés et déposés à la Commission Bancaire qui rendra son verdict positif à sa session de juin 2001.

Il reste au Groupe à mener tous les chantiers habituels d’une nouvelle entité en combinant au mieux les enseignements de son expérience passée et les solutions spécifiques requises par les inévitables contraintes locales. Sur ce dernier plan, la chance sourira à la BOA-SENEGAL. Un site est trouvé en août pour le siège : petit, mais excellemment situé sur la magnifique Place de l’Indépendance, il va faciliter sa visibilité par le public et reste une des agences les plus appréciées de la Banque. Dès juillet, le processus de recrutement de l’équipe de démarrage s’effectue selon les procédures sévères déjà testées au Bénin ou au Mali. Deux consultants partenaires sélectionnent avec soin, en plusieurs étapes et parmi le millier de candidatures reçues, les quelque 20 personnes, tous jeunes diplômés, souvent sans grande expérience mais à bon potentiel, qui constitueront le personnel originel. Après leur identification, ils sont formés jusqu’à fin septembre en « banque-école » par des cadres de AFH-SERVICES et des agents déjà expérimentés de la jeune BOA-BURKINA-FASO. Dans le même temps, les installations se mettent en place, les correspondants internationaux confirment leur accord de coopération. Le Conseil d’Administration de 9 membres, présidé par une personnalité malio-sénégalaise respectée de tous, contrôle l’avancée à marche forcée de ces diverses étapes et a choisi le Directeur Général français et le Directeur Général Adjoint, cadre de la BOA-BENIN. En octobre 2001 la BOA-SENEGAL ouvre enfin ses portes.

Une nouveau défi s’engage  : imposer la nouvelle entité sur la place bancaire sénégalaise si compétitive. L’équipe en place déploie toutes les actions qui ont fait la force du réseau BOA : accueillir largement le public des ménages ; séduire les entreprises, petites ou grandes, en prouvant sa capacité à répondre à leurs principaux besoins financiers ; construire, dans la capitale puis ailleurs, un réseau d’agences le plus dense possible ; mettre au premier plan la qualité de service et la disponibilité pour toutes les clientèles. Si l’énergie est immédiate et totale, les débuts sont difficiles. Comme attendu, la compétition est redoutable et les offres concurrentes nombreuses et de qualité. Plusieurs Directeurs Généraux vont se succéder en quelques années, ce qui pénalise la cohérence stratégique. Même si elle est régulière, la montée en force est donc plus lente que prévu. Les choses s’accélèreront à partir de 2006. Le DGA, devenu Directeur Général, met à profit l’excellente expérience du marché acquise en 4 ans et ses qualités de « leadership » pour multiplier les actions commerciales et stimuler ses « troupes ». Après son départ en 2013 et jusqu’à ce jour, quatre directeurs généraux – un Ivoirien, deux Maliens, un Burkinabé- poursuivront ce travail avec la même ardeur et les mêmes ambitions. Leurs équipes, progressivement renforcées selon les mêmes méthodes et plus expérimentées, sont au rendez-vous pour les performances voulues. Enfin, la BOA-SENEGAL élève à plusieurs reprises son capital social, en élargissant aussi son actionnariat, et peut ainsi augmenter ses moyens humains, techniques, commerciaux et de présence sur le territoire. La constance et l’ampleur des efforts accomplis ont ouvert les voies de la croissance, de la rentabilité et de la notoriété, et font de la Banque un acteur financier de référence pour l’Etat comme pour beaucoup de grandes entreprises.

BOA-SENEGAL a eu enfin la chance, au long de ces années, de vivre quelques moments remarquables. Depuis décembre 2013, son imposant nouveau siège, adapté à la taille acquise, se dresse face à la mer. Un an plus tard, elle devient la 4ème banque du Groupe cotée sur la Bourse Régionale des Valeurs Mobilières. Fin 2023, son bilan la place au 4ème rang des banques sénégalaises, mais elle est aussi la première en nombre de comptes de clients. En 2024, des jeunes recrues de 2001 sont dans les Directions Générales des filiales à Antanarivo ou à Niamey.

Forte de ses 23 ans, la jeune adulte mérite bien qu’on lui souhaite, ainsi qu’à tous ceux qui la gèrent et la feront encore progresser, un excellent anniversaire et de belles perspectives.

Paul Derreumaux

Article publié le 14/10/2024