Banques subsahariennes à l’aube de 2025 : ambitions, incertitudes et menaces. (3)

Partie 3 -Menaces : Des ripostes réussies ; de nouveaux dangers

Si l’affrontement des risques est le quotidien de chaque banque, certains d’entre eux peuvent acquérir, progressivement ou brutalement, une généralité et une ampleur qui les transforme en une véritable menace pour la profession. En Afrique subsaharienne, les systèmes bancaires connaissent en ce moment plusieurs évolutions de cette nature : quelques-unes paraissent en cours de résolution, d’autres pourraient au contraire s’amplifier.

Face à la rapidité des mutations des systèmes d’information, la lourdeur des progiciels bancaires et la difficulté de les adapter à de nouvelles approches commerciales ont été un handicap important depuis près d’une décennie. Cela a aussi freiné les banques dans l’inclusion financière, objectif assumé des pouvoirs publics et attente forte des populations les moins favorisées. Ce vide a été rapidement comblé par de nouvelles institutions construites sur une automatisation maximale. Les filiales des sociétés de télécommunication, spécialistes de ces traitements de masse, ont initié ce mouvement de la monnaie électronique (mobile banking), suivies par des sociétés « informatico-financières » (les fintech). Démarrées en 2007 en Afrique de l’Est, elles ont pris une part importante dans l’éventail des moyens de paiement sur tout le continent. A ce jour cependant, les établissements bancaires ont vigoureusement réagi. Au prix d’investissements considérables et d’un changement des méthodes de travail, un grand nombre ont réussi une nette amélioration de la digitalisation des services offerts et repris l’offensive. Un certain équilibre semble s‘être installé entre ces deux types d’acteurs : le périmètre du mobile banking s’est élargi aux transferts et aux paiement de factures, mais les banques désormais plus automatisées gardent aussi le monopole du crédit.  La menace s’est donc estompée, mais peut reprendre vie : ainsi, dans l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) le projet d’interopérabilité de tous les acteurs financiers pourrait apporter de nouveaux progrès pour les usagers, mais aussi générer de nouveaux déséquilibres.

Au plan international, l’accélération du départ d’Afrique des grandes banques françaises et anglaises a souvent amené ces dernières à réduire leurs engagements de correspondant banking au profit des institutions africaines. Les difficultés rencontrées dans le respect d’exigences de conformité toujours renforcées et la réorientation géographique des activités des banques européennes ont été les deux principales raisons avancées pour cette évolution. Celle-ci a pesé lourdement sur le développement des opérations avec l’étranger des groupes africains et les a conduits à chercher des circuits alternatifs. Outre la diversification des partenaires extérieurs, appliquée par tous, les établissements les plus solides ont visé l’implantation en Europe d’une entité propre capable de traiter les opérations internationales de leurs filiales, mais aussi celles d’autres banques africaines ne pouvant assurer seules une telle présence. Quelques pionniers ont franchi cette étape de longue date, comme BANK OF AFRICA et Ecobank à Paris, ou First Bank of Nigéria à Londres. Mais le mouvement s’est accentué et on annonce par exemple pour 2025 l’arrivée à Paris des succursales de UBA, Zenith Bank et Vista Bank. Certes, ces installations, et leurs maisons-mères, sont placées sous le contrôle étroit et minutieux de l’Autorité de Contrôle Prudentiel (ACPR) française. L’indépendance ainsi conquise, qui parait efficace, desserre toutefois une menace qui pénalisait de plus en plus les banques africaines.

A côté de ces ripostes réussies, d’importants défis restent présents ou apparaissent. Certains sont internes et anciens, comme la difficulté pour les banques d’apporter des financements suffisants et bien adaptés aux Petites et Moyennes entreprises (PME) et au secteur immobilier, malgré l’importance économique et sociale des besoins existants. En la matière, l’inadéquation résulte certes de handicaps liés à l’environnement -juridique, technique, administratif,..-, mais vient aussi des taux d’intérêt élevés, des durées de prêts trop courtes, de l’absence de soutien en fonds propres. Les progrès obtenus grâce à la pratique, qui se généralise, de partage du risque entre banques et bailleurs de fonds internationaux, montrent que de premiers changements sont possibles et que les banques s’y engagent activement. La multiplication de tels efforts conjoints serait donc particulièrement opportune. Même si le rendement net de ces crédits est moins élevé que celui d’autres concours actuels, leur impact à moyen terme compenserait ce sacrifice momentané.

D’autres risques sont externes et récents, tel par exemple celui encouru par les banques du fait de l’endettement croissant des Etats. Pour cette dette publique, la mobilisation de l’épargne intérieure est de plus en plus encouragée, en raison de son absence d’impact sur les besoins en devises étrangères, et constitue, dans la plupart des pays subsahariens, une part croissante des portefeuilles d’emplois bancaires. Elle offre en effet souvent un double avantage de rémunération satisfaisante et de risque modéré. L’UEMOA est entrée tardivement dans ce marché des créances étatiques, mais celui-ci a connu un développement considérable en une décennie tant par les obligations émises sur la Bourse Régionale (BRVM) que par les émissions de Bons et d’Obligations par les Etats. Les établissements bancaires sont devenus des participants très majoritaires sur ces deux marchés et leurs produits de trésorerie constituent une fraction croissante de leur portefeuille global d’emplois : elle dépasse en moyenne 25% de celui-ci en fin 2023, mais ce pourcentage est parfois nettement plus élevé. Cette orientation a été favorisée par les évolutions réglementaires et des taux de rémunération attractifs de ces placements, et la stratégie apparait satisfaisante tant que le fonctionnement du marché de ces titres publics se déroule sans accrocs, comme cela est le cas depuis son démarrage. Des zones d’ombre sont cependant apparues récemment. Les taux ont augmenté, poussés pêle-mêle par les incertitudes politiques sur certains pays, l’augmentation des besoins, les tensions de liquidité bancaire et les contraintes de la conjoncture. Ils se sont aussi davantage différenciés selon les Etats, exprimant une prime de risque pesant sur quelques emprunteurs. Les nouvelles alarmantes récemment apparues sur le niveau et le contenu réels de la dette publique sénégalaise et la restructuration inattendue de quelques emprunts obligataires en Côte d’Ivoire pourraient transformer les préoccupations en une véritable menace, si apparaissaient des défauts majeurs sur ce marché jusqu’ici très courtisé. Les impacts négatifs pourraient en être multiples : sur la liquidité voire la solvabilité des banques, sur le financement des Etats, sur l’activité économique. Les mêmes craintes pourraient concerner aussi les appareils bancaires d’autres pays subsahariens, contributeurs essentiels au financement d’un endettement public qui continue de croître.

Les systèmes bancaires subsahariens ont montré depuis plus de 40 ans leur capacité à se reconstruire et à prospérer après une crise gravissime. Ils sont aujourd’hui un des rares secteurs d’activité de la zone qui soit à la fois, dans son ensemble, rentable, performant et aligné sur des standards internationaux. Ils devraient donc être en mesure de faire face aux nouveaux risques qui les défient. A cette fin, une condition sine qua non sera bien pour toutes les unités qui les composent le renforcement des fonds propres d’une manière ajustée à tous les risques qu’ils courent et aux investissements qui s’imposent. Ainsi mieux armées, les banques seraient en mesure de concrétiser des projets de croissance. Ces derniers pourraient se traduire par une expansion géographique, qui est le plus souvent déjà exprimée. Mais ils pourraient aussi prendre la forme, encore plus ambitieuse, d’un approfondissement de leur rôle dans chaque pays : poids accru de leurs concours dans l’économie, financement intensifié de secteurs orphelins telles les PME, coopération plus marquée avec les autres activités financières -assurances, bourse, ..- dont l’essor est fort insuffisant, .. L’intérêt de tels objectifs est souligné depuis longtemps et serait déterminant pour le transformation en profondeur des structures économiques et l’obtention d’un véritable développement. Mais il suppose la création par les Etats et leurs partenaires d’un environnement propice à cette mutation. Cet objectif bénéficie rarement d’une priorité continue en raison d’autres urgences. Sans doute est-il grand temps d’accélérer ce mouvement pour donner aux banques l’occasion et la responsabilité de jouer dans de bonnes conditions un rôle à la mesure de leurs ambitions.

Paul Derreumaux

Article publié le 17/03/2025

Banques subsahariennes à l’aube de 2025 : Ambitions, incertitudes et menaces. (2)

Partie 2 – Incertitudes : Les particularités de la zone Franc

Si la qualité d’ensemble de leurs résultats financiers nourrit logiquement les ambitions des secteurs bancaires subsahariens, le réalisme de celles-ci est encore plus lié à la consistance effective de leurs fonds propres. Le renforcement de ces derniers est souvent impulsé par les exigences croissantes des Banques Centrales vis à vis des banques commerciales. Si la tendance constatée sur ce plan est partout identique, sa mise en œuvre s’accomplit avec une ampleur et un rythme fort variables et réserve des surprises

Engagé depuis longtemps au niveau mondial, et constamment renforcé, l’accroissement du capital minimum des institutions de crédit et le durcissement des ratios qu’elles ont à respecter touche aussi l’Afrique, à des degrés divers selon les pays. L’évolution répond au moins à un triple objectif : renforcer les capacités de crédit des banques à l’économie ; leur imposer de disposer des ressources propres suffisantes pour faire face aux risques qui s’accroissent et se diversifient ; consolider si possible la profession grâce à des acteurs moins nombreux mais plus puissants.

Le Nigéria, coutumier des augmentations impressionnantes, avait bien atteint ces buts en 2005. Le bond du capital minimum alors décidé avait déclenché le vaste mouvement de concentration locale du secteur – division par 3 du nombre d’entités – et une forte expansion, nationale et internationale, des banques survivantes. Celle-ci fut à la base de la dé-compartimentation entre toutes régions subsahariennes pour les activités bancaires. Ce pays s’illustre encore en fixant une nouvelle hausse record du capital minimum pour fin mars 2026 : 200 milliards de nairas pour les banques nationales et même 500 milliards pour celles bénéficiant d’une autorisation internationale, soit respectivement la contrevaleur de 130 et 320 millions(M) de USD. Mais l’accélération s’observe ailleurs, quelle que soit la taille et le développement des économies : exprimés en M de USD, les nouveaux seuils s’élèvent à environ 105 M en Egypte, 70 M au Ghana mais aussi 30 M en République Démocratique du Congo (RDC). Même les pays plutôt réfractaires à cette mesure et préférant des ratios prudentiels plus sévères évoluent : le Kenya vient ainsi de décupler ce capital minimum, stable depuis 2012, pour le porter en plusieurs étapes à 10 milliards de KES (78 M USD) en 2029.

Dans les pays concernés, les banques sont contraintes de trouver les fonds propres supplémentaires et, pour la plupart, sont déjà lancées dans des augmentations de capital, la recherche éventuelle de nouveaux actionnaires et, si nécessaire, des opérations de fusion-acquisition. Comme déjà rappelé ( cf. Partie 1), le Ghana est immergé dans ce processus depuis 2018. Au Nigéria, les groupes Access et Zenith ont émis chacun de nouvelles actions pour plus de 200 millions de USD, et leurs principales consœurs sont aussi sur cette voie. Partout, la montée en puissance des ressources propres est bien perçue par les banques comme une exigence sans faille et étroitement surveillée des Autorités monétaires, la condition sine qua non de la confiance de leurs possibles bailleurs de fonds et le préalable de la concrétisation de leurs ambitions. Une fois cette étape franchie, la mobilisation de financements complémentaires sous forme de prêts, d’obligations convertibles, d’instruments variés est aussi souvent nécessaire pour atteindre les objectifs fixés. Mais celle-ci est de toute façon placée sous le contrôle de plus en plus rapproché des Commissions Bancaires et l’apparition possible de nouvelles règles. Ainsi, l’Afrique du Sud pourrait initier un système de « Financial Loss Absorbing Capacity (FLAC) obligeant certains prêteurs à convertir leurs concours en actions en cas de difficulté de la banque emprunteuse, à l’image des contraintes sur les prêts subordonnés en zone franc. Le sauvetage des banques s’appuierait alors davantage sur elles-mêmes (le bail-in).  

L’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) n’est pas en reste sur ce chapitre des fonds propres. Le capital minimum a été doublé fin 2023 et porté à 20 milliards (MM) FCFA (32 M USD), rattrapant ainsi un retard de plus en plus flagrant par rapport à l’ensemble de la zone. Pourtant, alors que l’ajustement demandé pouvait être perçu comme difficile, l’objectif est déjà atteint fin 2024 par l’essentiel de la profession, et souvent par incorporation de réserves sans apport d’argent frais et, a fortiori, sans rapprochement des acteurs en place. Il est vrai que les entités en zone CFA ont l’avantage que leur monnaie s’est moins dévaluée par rapport au dollar US que celles de la plupart des pays subsahariens : l’effort requis exprimé dans cette mesure commune est donc moins conséquent. Il serait logique d’attendre un nouveau durcissement du seuil dès 2026, à l’expiration du délai arrêté pour l’accroissement en cours. Certains groupes ont déjà anticipé cette étape suivante, comme la BANK OF AFRICA dont le capital de certaines filiales est déjà passé en 2024 à 40 MM CFA. Dans la partie centrale de la zone franc, où l’ajustement semble encore en attente, le Groupe gabonais BGFI a pris les devants en annonçant pour 2025 son entrée en bourse, en vue de lever au moins 80 MM FCFA (130 M USD) de capitaux.

Si la consolidation effective des fonds propres reste pour l’heure modeste en zone franc, une modification importante s’est introduite ici depuis quelques années dans les actionnariats : la montée en force des Etats. Cette possibilité est classiquement utilisée, lorsque les Autorités ont à recapitaliser des établissements de crédit défaillants. Le Mali avait procédé ainsi pour résoudre l’insolvabilité de la Banque de l’Habitat du Mali, en la faisant absorber par une autre banque publique, la Banque Malienne de Solidarité (BMS). La Côte d’Ivoire a fait de même sur la durée avec plusieurs banques, privées et publiques, qui ont été selon les cas mises sous administration provisoire ou consolidées à partir de capitaux publics (Versus Bank, Banque Nationale d’Investissement (BNI), Banque de l’Habitat, Banque Populaire). D’autres cas analogues pourraient être cités ailleurs dans l’UEMOA, mais se retrouvent aussi au Cameroun, avec notamment la Commercial Bank of Cameroon (CBC), et dans de grands pays anglophones tels le Kenya, l’Afrique du Sud ou ailleurs. Au Nigéria, l’Etat devrait ainsi reprendre à ce titre la petite Keystone Bank, elle-même née d ‘un changement d’actionnaire en 2017 six ans après sa création.

A côté de ces cas de force majeure, la zone franc, et spécialement l’UEMOA, s’est distinguée récemment par des prises de participation des Etats et des structures publiques dans les banques existantes, répondant à des fins plus stratégiques. Le départ de la zone des banques françaises BNP et Société Générale accroît en effet les opportunités et amplifie le mouvement.  La Côte d’Ivoire a été pionnière en pilotant un consortium d’investisseurs publics emmené par la BNI pour acquérir l’ex-filiale locale de la BNP. Mais la Commission Bancaire a montré dans son Rapport sur l’année 2023 que la tendance est une lame de fond : en 4 ans, l’actionnariat public aurait plus que doublé en volume, avoisinant 27% du tour de table des banques, et 23 de celles-ci, totalisant plus de 20% des actifs régionaux du secteur, sont détenues majoritairement par des investisseurs étatiques. L’évolution s’est accentuée depuis lors, sous des formes variées : l’Etat du Bénin est devenu actionnaire unique de la Banque Internationale pour l’Industrie et le Commerce (BIIC), désormais première banque du pays, dont il cède une part minoritaire sur la Bourse Régionale ; l’Etat du Mali indique être passé majoritaire au capital de la Banque Nationale de Développement Agricole (BNDA), en complément de sa forte présence dans la BMS et la Banque de Développement du Mali (BDM). Pour le dossier majeur de la Société Générale, les Etats du Bénin, mais aussi du Cameroun, du Congo, de Guinée Equatoriale, contre toute attente, préemptent la cession des filiales locales, écartant les investisseurs privés concurrents, et attendent maintenant l’accord final des Autorités Monétaires.

L’appétit de ces Etats pour ces acquisitions bancaires n’apparait donc plus résigné, mais volontariste. Cette nouvelle donne s’oppose à l’évolution observée depuis quatre décennies et semble incarner la volonté politique d’utiliser les banques comme un levier important du développement économique et social. En raison du poids des secteurs publics dans la zone, l’approche  peut être pertinente dès lors que sont respectées au moins trois conditions : absence de distorsion de concurrence entre acteurs bancaires publics et privés ; indépendance et absence de conflit d’intérêts dans la gestion des banques publiques, en particulier face aux recours des Etats sur le marché financier régional ; capacité des actionnaires publics d’assurer les apports de fonds propres qui devraient s’intensifier à l’avenir.

Si ces incertitudes ne sont pas levées, elles pourraient se transformer en menaces.

A suivre le 17 mars…

Retrouver l’article Partie 1 – Les ambitions : Qui ? Où ? Comment ? en suivant ce lien

Paul Derreumaux

Article paru le 04/03/2025

Banques subsahariennes à l’aube de 2025 : Ambitions, incertitudes et menaces. (1)

Partie 1- Les ambitions : Qui ? Où ? Comment ?

Même si l’Afrique fait face actuellement à de nombreuses crises, la plupart des banques subsahariennes en place affichent toujours d’importantes ambitions, parfois même étonnantes. Elles doivent toutefois tenir compte d’évolutions récentes, dont les impacts sont encore mal connus, et de risques qui se confirment.

Trois principaux facteurs donnent aux banques, et surtout aux plus puissantes d’entre elles, cet esprit de conquérant. D’abord, les résultats financiers des systèmes bancaires subsahariens sont dans l’ensemble excellents depuis plusieurs années, notamment dans l’Union économique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) mais aussi en beaucoup d’autres pays anglophones ou francophones. Un autre élément réside dans les augmentations de ressources financières, et notamment de capitaux propres, dans lesquelles les établissements se sont lancés sous la pression des régulateurs et devant l’intérêt retrouvé des marchés gorgés de capitaux et en quête de placements rémunérateurs. Le dernier point vient des opportunités créées par les annonces de départ du continent des derniers groupes anglais et français encore présents.

Dans cette ébullition des appétits, la palme revient sans doute aux banques nigérianes Access Bank et Zenith Bank, qui rivalisent de projets d’extension. Access, devenue l’entité la plus puissante par le bilan en 2024, serait la plus boulimique grâce, en particulier, à son rachat de National Bank au Kenya – à fusionner avec son ancienne filiale kenyane -, son rachat prévu des implantations de Standard Chartered Bank en Angola et Sierra Léone, son coup d’éclat de l’entrée majoritaire fin 2024 au capital d’Afrasia Bank à Maurice, son incursion récente en Afrique du Sud et en Tanzanie, et ses projets sur d’autres continents. Zenith Bank suit un chemin analogue : après avoir réduit son retard en termes bilantiels, l’actuelle deuxième banque nigériane a aussi des cibles d’installation multiples en Afrique de l’Est, en Namibie et en Europe.

Les grandes banques sud-africaines, si elles dominent toujours de très loin le secteur sur le continent, ont continué à perdre de leur avance par rapport à leurs principaux compétiteurs en raison des contraintes de l’économie nationale. De plus, la sévérité du contrôle des changes rend difficile de nouvelles implantations à l’étranger. Les « majors » -Standard, FirstRand, Absa, Neldbank,..- se concentrent donc sur leur modernisation et le renforcement recherché par rapport à la concurrence, d’une part, et la gestion optimale de leurs puissants réseaux de filiales en Afrique de l’Est et Australe, d’autre part, mais restent aux aguets des autres opportunités.

En Afrique de l‘Est et Centrale, les évolutions se poursuivent bien qu’à un rythme ralenti. Dans l‘East African Community (EAC), la recherche d’expansion des banques kenyanes, dont les résultats demeurent globalement bons – Equity Bank est par exemple donné comme le 16ème   groupe bancaire africain le plus rentable en 2024 – était surtout tournée vers la République Démocratique du Congo (RDC). Beaucoup d’investissements y sont déjà faits et les évènements dramatiques du Kivu ont ralenti les nouvelles tentatives.

Dans la Communauté Economique et Monétaire d’Afrique Centrale (CEMAC), les jeux de pouvoir se concentrent autour de la reprise des filiales locales de la Société Générale. Le groupe burkinabé Coris Bank semble s’être définitivement emparé de celle du Tchad, mais voit s’échapper pour lui celle du Cameroun, une des pièces maîtresses du système bancaire camerounais, où l’Etat annonce utiliser son droit de préemption. Plus discrètement, BANK OF AFRICA semble avoir fait passer au Congo sous son blason la Congolaise de Banque, qu’elle gérait depuis 2022. C’est, avec les investissements des groupes AFG et Coris, une des premières entrées réussies de banques de l’UEMOA dans l’espace de la CEMAC : ces connexions mériteraient d’être multipliées si elles conduisent à des résultats positifs.

En zone Ouest, le Ghana poursuit une restructuration financière massive initiée en 2018 et rendue encore plus indispensable après les perturbations économiques et financières traversées depuis 2021. La Banque Centrale du Ghana (CBG) conduit activement cet assainissement en combinant fusions d’établissements, liquidations forcées, déclassements en institutions à périmètre régional, appuis financiers, forte hausse du capital minimum.  La purge est difficile, comme elle l’a déjà été dans le passé, mais, grâce à l’important appui international et à l’expérience de la CBG, la situation s’améliore. Le potentiel économique et la crédibilité politique du pays devraient faire repartir bientôt l’intérêt des groupes bancaires régionaux.

Dans l’UEMOA, au contraire, le moral est au beau fixe. Avec les brillants résultats des acteurs en place sur les dernières années et malgré une concurrence déjà aigüe, les intentions d’investissement se sont affichées dans plusieurs directions. La première est le renforcement et l’extension régionale de réseaux encore modestes – Mansa Bank, Bridge Bank, Orange Bank par exemple… Une autre s’exprime à travers les souhaits d’extension tous azimuts -géographiques et sectoriels -des réseaux les plus puissants, qui sont devenus dominants dans l’espace régional. Les Groupes Atlantic Financial Group (AFG) et Coris sont sans conteste les plus impressionnants au vu des informations disponibles. AFG a notamment installé une filiale bancaire à Madagascar, effaçant son échec de rachat de Afrasia à Maurice, et conclu l’achat des cinq implantations de Access Microfinance Holding dans l’UEMOA et la CEMAC. Coris, pour sa part, annonce l’acquisition de l’entité Standard Chartered Bank en Côte d’Ivoire et continue à élargir son réseau en Afrique du Centre et de l’Ouest. Surtout, les deux groupes font part de projets de diversification d’envergure, le premier dans le cacao et la production de ciment, le second dans les mines, qui les font de plus en plus apparaitre comme des conglomérats. Mais cette tentation expansionniste reste aussi à l’esprit de réseaux, comme ceux de Sunu Bank, NSIA et quelques autres.

L’observation des modalités selon lesquelles ces transformations prennent corps apporte deux enseignements majeurs. D’abord, le niveau accru de ces dernières années des capitaux requis pour l’ouverture d’une banque semble avoir mis fin aux entreprises individuelles : en zone franc en particulier, un petit groupe de personnes physiques, voire une seule, parvenait encore récemment à rassembler les fonds propres nécessaires. Aucun exemple de ce type ne parait recensé en 2024. Même les investisseurs non bancaires sont devenus rares dans les nouveaux entrants : la reprise prévue de la Société Générale de Mauritanie par le consortium de fonds Enko Capital/Oronte apparait une exception, facilitée par la structure particulière du panorama bancaire en Mauritanie où les grands groupes économiques locaux ont toujours joué un rôle clé dans les établissements agréés. La banque devrait donc devenir en Afrique subsaharienne un secteur fermé à des investisseurs majoritaires non-banquiers et rejoindre ainsi une situation désormais valable dans la plupart des régions du monde. En second lieu, les mouvements observés concernent peu en 2024/2025 l’ouverture de nouvelles structures, mais davantage l’acquisition de filiales appartenant à d’autres groupes. Dans l’UEMOA par exemple, la transformation d’une société de leasing va ajouter une banque en Côte d’Ivoire, mais Fidelis faisait partie depuis longtemps du paysage financier régional. Hors de ce cas, l’implantation de succursales dans de nouveaux pays – comme récemment au Sénégal pour Orange Bank Africa ou en prévision au Burkina Faso pour Bridge Bank- devient rare pour les réseaux régionaux car ces expansions sont pour la plupart déjà opérées. Dans d’autres zones, on note le même constat, notamment pour les très dynamiques banques nigérianes. Les opérations observées ont été essentiellement financières, plutôt qu’économiques, pour se saisir des opportunités créées par les défaillances de quelques acteurs et le départ des derniers leaders bancaires anglais et français. C’est une prime à la rapidité -si la cible est bien choisie et évaluée, elle est plus vite rentable-, même si la création initiale de valeur est plus réduite.

Si elle a été animée en termes de transactions réalisées, la période récente a aussi réservé bien des surprises. En la matière, le départ annoncé de la Société Générale a été exemplaire.

A suivre le 4 mars… 

Paul Derreumaux

Article publié le 26/02/2025

Monnaie électronique dans L’UEMOA : pierre angulaire de l’inclusion financière

En moins de 10 ans, la monnaie électronique (ME) est devenue un moyen de paiement de premier plan dans l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA). Cette montée en puissance dans la région a suivi la « révolution » introduite au Kenya en 2007 avec le produit M’Pesa mis au point par la société de télécommunications Safaricom. Dans l’Union, elle s’est effectuée sous le contrôle vigilant de la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), qui a notamment créé en 2015 un nouveau type d’agrément pour les Emetteurs de Monnaie Electronique (EME). En 2024, les données montrent la place prise par cette innovation, mais aussi les fragilités du secteur et les défis qui l’attendent.

La monnaie électronique est surtout représentée par les EME, même si ces derniers n’en ont pas le monopole -celle-ci est aussi émise par des banques, et d’autres acteurs plus modestes (les « Fintech ») -, et les informations disponibles restent limitées par rapport à celles relatives aux banques. Cependant, pour ces seuls EME, elles confirment et prolongent clairement les tendances positives déjà soulignées. Ainsi, la valeur et le nombre des transactions ont bondi respectivement à 172 billions de FCFA et 8,8 milliards en 2023, en hausse respective de 146% et de 61,5% sur un an. Avec des opérations dont la valeur unitaire moyenne reste ainsi inférieure à 20 000 FCA, les EME donnent bien à toute une population délaissée par les banques une alternative à la monnaie fiduciaire et sont les champions de son inclusion financière dans les circuits modernes de paiement : ils apportent une sécurité, une mobilité et une rapidité inconnues auparavant. L’arrivée de ce nouvel instrument se traduit dans l’évolution sur la décennie écoulée des taux de bancarisation dans l’UEMOA. Le taux global- banques, microfinances, EME- est passé de 47% en 2016 à près de 75% en 2023, après prise en compte de la multi-bancarité observée. La ME a permis de pousser à 0,6 environ le taux synthétique d’inclusion financière calculé par la Banque Centrale, soit un quasi-doublement depuis 2016, réalisant un rattrapage notable par rapport à d’autres régions du continent plus avancées.

Cette force s’appuie sur deux principaux atouts. L’un est un maillage de plus en plus dense des territoires nationaux, jusque dans les endroits les plus éloignés des capitales : plus de 1,12 millions de points de vente, dont près de 750000 sont actifs, pour les EME fin 2023, qui sont à comparer par exemple aux quelque 2,7 milliers d’agences bancaires et aux 3,7 milliers de guichets électroniques de banque (GAB). Ils apportent une proximité inégalable tout en accomplissant une identification des clients en harmonie avec les exigences de conformité. L’autre est une diversification progressive des produits offerts et des usages possibles de ce nouveau moyen de paiement. A l’achat de recharges téléphoniques (le Top-Up) et au retrait en espèces (le Cash-out), les deux services « phares » initiaux, se sont aujourd’hui greffés notamment le transfert local ou international, le paiement de factures et l’achat de biens marchands : la part des nouveaux services est passée en quelques années de 20% à plus de 40% du chiffre d’affaires des EME et ces composantes continuent à croître le plus vite. Ces avantages expliquent que le total des encours de monnaie électronique -les « Unités de Valeur » (UV) – atteigne fin 2023 959 milliards de FCFA, soit plus de 2% des dépôts bancaires de l’Union, contre quelque 1% en 2020.

Malgré cette montée en force sans doute inarrêtable, le secteur de la monnaie électronique, et en particulier de sa part la plus visible qui est celle des EME, est toujours en construction, ce qui transparait dans le dernier rapport de la Commission Bancaire. En décembre 2023, ces structures réglementées n’étaient opérationnelles que dans 6 des 8 membres de l’Union. Elles restent en outre peu nombreuses : 16 EME au total en activité, dont 6 en Côte d’Ivoire. La plupart de ces EME sont détenus par quelques grandes entreprises de télécommunications présentes dans la zone, et qui ont fait de l’Afrique un pionnier et un champion de la téléphonie mobile, dont la monnaie électronique est un « dérivé » : même si quelques « Fintechs » les ont rejoints, deux groupes de téléphonie rassemblaient à travers leurs filiales plus de 86% du nombre total de transactions dans l’Union en 2022. Enfin, 4 des EME agréés ne respectent pas encore les trois ratios prudentiels qui leur sont fixés : le plus difficile à maintenir -fonds propres/total des UV émises- peut en effet imposer un haut niveau de capital dès que l’EME n’est pas encore profitable.

Outre la correction souhaitable de ces faiblesses liées à la jeunesse du secteur, deux challenges seront à relever dans le futur proche. Le premier est une meilleure stabilisation financière du secteur. La période 2018/2023 a montré une grande variabilité des résultats globaux des EME en place : après une profitabilité croissante jusqu’en 2021, correspondant au démarrage de ces activités, 2022 et 2023 – et sans doute 2024- coïncident à d’importantes pertes, même si celles-ci paraissent s’amoindrir. Deux facteurs ont concouru à ce recul : l’arrivée en force de quelques nouveaux acteurs ; une baisse généralisée des tarifs résultant de cet environnement plus compétitif. Cette volatilité témoigne aussi d’une forte élasticité-prix de la clientèle, qui la conduit à basculer sans hésiter d’un EME à l’autre, chacun étant considéré comme un simple prestataire de service, et non comme un vrai partenaire, à la différence des relations nouées par le public avec les banques. Pour que ce comportement s’atténue, il faudra que l’utilisation des UV puisse être de plus en plus diversifiée, y compris par la facilitation du public à l’accès au crédit ou leur recours par les entreprises et les Etats pour des paiements de masse. Le second défi est celui de l’interopérabilité entre tous les moyens de paiement de l’Union. Evoquée par la Banque Centrale depuis 2022, cette innovation majeure est entrée dans sa phase active en 2024 et devrait être effective avant fin 2025. Elle visera, selon un schéma défini par la Banque Centrale, que toutes les entreprises financières intervenant dans l’Union pour des paiements demandés par les agents économiques soient interconnectées, réalisent leurs opérations de manière immédiate et les exécutent aux meilleures conditions financières possibles pour les clients. Pour ces derniers, ce projet ambitieux apporterait donc modernité, efficacité et réduction de coûts. Le succès espéré dépendra d’abord de la bonne résolution des questions techniques en cours de traitement. Il supposera aussi de trouver les dispositions préservant la viabilité de tous les acteurs. En effet, les revenus totaux des banques sont moins dépendants des commissions prélevées sur les opérations de paiement que ne le sont les EME qui sont limités à ces activités.

Les prochaines années sont donc prometteuses de nouvelles mutations intenses pour la monnaie électronique. Certaines généreront à coup sûr pour elle de nouveaux développements : élargissement des usages, augmentation du taux d’activité des comptes, nouveaux publics… D’autres pourraient comporter des opportunités mais aussi des risques : modalités de l’interopérabilité, nouvelles baisses de tarifications des services, construction de passerelles avec d’autres acteurs financiers… La détermination, la puissance financière et la force d’innovation des leaders du secteur permettent de croire qu’ils sont prêts à réaliser les efforts nécessaires pour tenir leur rang dans le combat pour l’inclusion financière.

Paul Derreumaux

Article paru le 09/01/2025

BANK OF AFRICA IN THE DEMOCRATIC REPUBLIC OF CONGO: ALREADY 15 YEARS OF PRESENCE !

After the successful saga in Madagascar in 1999, then in the three countries of the East African Community (EAC) between 2004 and 2007, many challenges appear affordable for the managers of the BANK OF AFRICA (BOA) Group. It is therefore as a new challenge that the Board of Directors of the Group’s holding company took over the study of the project to set up a bank in the Democratic Republic of Congo (DRC) at the end of 2007. The country is attractive for several reasons: it is gigantic both in terms of its demography and its natural wealth, and therefore offers a variety of opportunities for financial activities; its banking sector is not overcrowded, especially by international companies; its economic development has been penalized for many years by multiple political crises, but the prospect of stabilising this context has improved; finally, with a presence in the DRC, the Group would bring its two areas of establishment closer together and contribute to its ambition to bring them together one day. These assets more than compensate for the complexities of the local environment that persist and the known volatility of the local currency.

A first attempt was made in 2003 during negotiations with the Belgolaise group for the partial purchase of its African network. But its subsidiary in Kinshasa, the BCDC bank, appeared too large in relation to the resources of the BOA network at the time. The approach adopted for this second trial is the creation of a new institution and its gradual development. A team of two people flew from Nairobi in January 2008 to assess the feasibility of such an operation. One knows the country very well, which makes it easier to gather information and make contacts with the authorities and many potential partners and customers. Everywhere the welcome is favourable: the economy has progressed since our previous stays; opening to foreign investments has increased; BOA is now better known in the region and has institutional investors who may be interested in the project. A second exploratory mission mainly takes a precise look at the difficulties that would have to be managed: scarcity and high cost of the human resources required; very expensive prices of products and services essential for a bank; strong dollarization of the economy, which imposes a specific organization for the activities of financial institutions and their relations with customers; difficult choice of the location of the headquarters because of the few suitable buildings.

After these various observations, the conclusions are positive. The proposed application is unanimously approved by the BOA Group Board of Directors in April 2008. It provides for the creation of a new institution with a capital of 10 million USD, the minimum required by the Central Bank. The distribution of the capital of the future BANK OF AFRICA-DRC (BOA-DRC) is easily decided: the Group will hold 60% of it and two bilateral institutions already allied with BOA – the French Proparco and the Belgian BIO – will subscribe the rest. Built on this tough shareholding, the application for approval is submitted in May 2008. However, the usual administrative back-and-forth took nearly a year before being completed in April 2009

During this long wait, the teams hurried to the major projects. A beautiful site was first reserved in the city centre, in the La Gombé district: it will be purchased at the beginning of 2009, when our application for approval has progressed well, and the construction of the headquarters and the main branch will immediately be carried out at a forced march. Around mid-2009 the future bank recruited its staff, according to its highly selective formal procedures that had been tested for a long time: it’ll be not easy to identify the around 25 people who would make up the initial team. However, the method will be effective as always and the quality of the recruits, most of whom are young, will appear both in the success of their training and in the results that will then be obtained by the bank. For the rest, during the second half of 2009, all other preparations will be completed, despite a constrained environment, thanks to the practice acquired in the first 11 entities of the BOA network and the commitment of the technical assistance teams. As soon as the work on the headquarters was completed, the 12th BOA subsidiary opened its doors to the public in December, succeeding in its challenge of being operational by the end of 2009.

BOA-DRC is primarily turning to corporate customers, both national and foreign, as a result of the still very low level of banking penetration of non-civil servants. But this policy slows down the necessary growth of deposits that is essential to give the young entity a solid balance sheet structure. The Board of Directors and the bank’s management are therefore closely monitoring all the indicators and are gradually applying the appropriate corrective strategies. The bank was also immediately facing the constraints of an economy where more than 80% of transactions were carried out in dollars and where the value of the Congolese Franc was subject to many powerful variations: the learning curve was nevertheless fast and without any unpleasant surprises thanks to the now diversified experience of the BOA network and the ambition to meet the expectations of a growing customer base. Despite the determination of the managers and staff in Kinshasa and the permanent support of the whole Group, the rise of BOA-DRC is coming up against external factors. Thus, the banking environment has undergone an impressive widening in a few years due to the marked interest of the major African banks: some of the main institutions in French-speaking Central Africa, Kenya, Nigeria and Tanzania, for example, have joined the Kinshasa market where about fifteen players are now licensed. In addition, to take into account the high inflation rates, the Central Bank enforced in 2016 a tripling of the paid-up share capital, still fixed in USD, to USD 30 million.

This tremendous competition and these financial requests will be, above all, for BOA-RDC and its teams, incentives for their fighting spirit, the continuous strengthening of the organization and the quality of the service offered, and the broadening of the range of products and innovations. The strategies carried out to conquer various audiences are attracting an ever wider and more multifaceted clientele, and are bringing the deposits expected for the increase in loans to companies and households. The Bank gradually set up its branches in Goma, in the East, then in Lumumbashi, a major economic centre, and extended its network to 7 branches in Kinshasa. The Group is responding to the authorities’ efforts to increase equity by subscribing to medium-term bonds to prepare for future capital increases. These development efforts are bearing fruit. BOA-DRC regularly improves its balance sheet and activity indicators to bring them up to the level of the wished standards.  The acceleration in the growth of deposits and loans regularly strengthens the Bank’s weight and role in the country. At the end of 2023, the profits of the last few years confirmed its profitability and consolidated its equity. The recent entry of the DRC into the integrated economic space of the EAC, the opportunities offered by a population of more than 100 million inhabitants and a better organized exploitation of multiple natural resources, the actions of the authorities to create a more favorable environment for economic development, and the growing support of international institutions are concrete supports for a promising future of the national banking system at the service of the country. The achievement by BOA-RDC in 2025 of the new minimum capital of USD 50 million imposed by the Central Bank will allow it to participate fully and continue its path in a healthy way.

Happy birthday and happy new year 2025 to BOA-DRC and its teams! May the future be bright for them.

Paul Derreumaux

Article publié le 30/12/2024

BANK OF AFRICA EN REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO : DEJA 15 ANS DE PRESENCE !

Après l’épopée réussie à Madagascar en 1999, puis dans les trois pays de l’East African Community (EAC) entre 2004 et 2007, beaucoup de défis apparaissent abordables pour les dirigeants du Groupe BANK OF AFRICA (BOA). C’est donc bien comme un nouveau challenge que le Conseil d’Administration de la holding du Groupe reprend fin 2007 l’étude du projet d’installation d’une banque en République Démocratique du Congo (RDC). Le pays est attractif pour plusieurs raisons : il est gigantesque autant par sa démographie que par ses richesses naturelles, et offre donc des possibilités variées pour les activités financières ; son système bancaire est encore peu encombré, spécialement en entités internationales ; son évolution économique a été handicapée depuis de longues années par des crises politiques multiples, mais la perspective d’une stabilisation de ce contexte s’est améliorée ; enfin, avec une présence en RDC, le Groupe rapprocherait fortement ses deux zones d’implantation et concourrait à son ambition de les réunir un jour. Ces atouts compensent largement les complexités de l’environnement local qui persistent et la volatilité connue du Franc Congolais.

Une première tentative avait été esquissée dès 2003 à l’occasion des négociations avec le groupe Belgolaise pour le rachat partiel de son réseau africain. Mais sa filiale à Kinshasa, la banque BCDC, était apparue trop importante au regard des moyens du réseau BOA de l’époque. L’approche adoptée pour ce second essai est celle de la création d’un nouvel établissement et de son développement progressif. Une équipe de deux personnes s’envole donc de Nairobi en janvier 2008 pour apprécier la faisabilité d’une telle opération. L’un des missionnaires connait très bien le pays, ce qui facilite la collecte d’informations et les prises de contact avec les Autorités et beaucoup de partenaires et clients potentiels. Partout l’accueil est favorable : l’économie a progressé depuis nos séjours précédents ; l’ouverture aux investissements étrangers s’est accentuée ; la BOA est désormais mieux connue dans la région et elle compte des investisseurs institutionnels présents en RDC qui pourraient être intéressés par ce projet. Une seconde mission exploratoire fait surtout un point précis des difficultés qui seraient à gérer : rareté et cherté des ressources humaines requises ; prix très élevés des produits et services indispensables pour une banque ; forte dollarisation de l’économie qui impose une organisation spécifique des activités des établissements financiers et de leurs relations avec la clientèle ; choix délicat de l’implantation du siège en raison du peu d’immeubles adéquats.

Après ces divers constats, les conclusions sont positives. Le dossier proposé est agréé à l’unanimité par le Conseil d’Administration de BOA Group en avril 2008. Il prévoit la création d’un nouvel établissement au capital de 10 millions de USD, minimum requis par la Banque Centrale. La répartition du capital de la future BANK OF AFRICA-RDC (BOA-RDC) est aisément arrêtée : le Groupe en détiendra 60% et deux institutions bilatérales déjà alliées de BOA -la française Proparco et la belge BIO- souscriront le reste. Bati sur ce solide actionnariat, le dossier de demande d’agrément est déposé en mai 2008 Les inévitables allers et retours administratifs prendront cependant près d’un an avant d’aboutir en avril 2009

Pendant cette longue attente, les équipes se hâtent sur les chantiers majeurs. Un beau site a d’abord été réservé en centre-ville, dans le quartier de La Gombé : il sera acheté début 2009, quand notre demande d’agrément a bien progressé, et les travaux de construction du siège et de l’agence principale y seront tout de suite menés à marche forcée. C’est vers mi-2009 que la future banque recrute son personnel, selon ses procédures formelles très sélectives testées de longue date : l’identification des quelque 25 personnes qui constitueront l’équipe initiale sera difficile. La méthode sera cependant comme toujours efficace et la qualité des recrues, jeunes pour la plupart, apparaitra aussi bien dans la réussite de leur formation que dans les résultats qui seront ensuite engrangés par la banque. Pour le reste, pendant le second semestre 2009, tous les autres préparatifs seront menés à terme, malgré un environnement lourd de contraintes, grâce à la pratique acquise dans les 11 premières entités du réseau BOA et l’engagement des équipes d’assistance technique. Dès l’achèvement des travaux du siège, la 12ème filiale BOA ouvre ses portes au public en décembre, réussissant son pari d’être opérationnelle pour fin 2009.

La BOA-RDC se tourne d’abord vers la clientèle des entreprises, nationales et étrangères, par suite d’une bancarisation encore très faible des particuliers non-fonctionnaires. Mais cette politique ralentit la croissance nécessaire des dépôts indispensable pour donner à la jeune entité une structure bilantielle solide. Le Conseil d’Administration et la Direction Générale suivent donc attentivement tous les indicateurs et appliquent au fur et à mesure les stratégies correctrices adéquates. La banque est aussi plongée immédiatement dans les contraintes d’une économie où plus de 80% des transactions s’effectuent en dollars et où la valeur du Franc congolais connait de nombreuses et puissantes variations : l’apprentissage est pourtant rapide et sans mauvaise surprise grâce à l’expérience maintenant diversifiée du réseau BOA et l’ambition de satisfaire les attentes d’une clientèle qui croît. Malgré la détermination des cadres et du personnel à Kinshasa et l’appui habituel de l’ensemble du Groupe, la montée en puissance de la BOA-RDC se heurte cependant à des facteurs extérieurs. Ainsi, l’environnement bancaire a connu en quelques années une densification spectaculaire en raison de l’intérêt marqué des grandes banques africaines : quelques-uns des principaux établissements d’Afrique centrale francophone, du Kenya, du Nigeria et de Tanzanie par exemple rejoignent en effet la place de Kinshasa où une quinzaine d’acteurs sont maintenant agréés. De plus, pour tenir compte des taux élevés d’inflation, la Banque Centrale a imposé en 2016 un triplement du capital social libéré, toujours fixé en USD, à 30 millions de USD.

Cette compétition redoutable et ces exigences financières vont être avant tout, pour BOA-RDC et ses équipes, des stimulants pour leur combativité, le renforcement continu de l’organisation et de la qualité du service offert, et l’élargissement de la palette des produits et des innovations. Les stratégies menées pour la conquête de publics variés attirent une clientèle toujours plus large et multiforme, et drainent les dépôts attendus pour la hausse des concours aux entreprises et aux particuliers. La Banque installe peu à peu ses agences à Goma, dans l’Est, puis à Lumumbashi, centre économique majeur, et étend à 7 agences son réseau à Kinshasa. Le Groupe répond aux efforts d’augmentation des fonds propres poursuivis par les Autorités en souscrivant des obligations à moyen terme pour préparer de futures augmentations du capital. Ces efforts de développement portent leurs fruits. BOA-RDC améliore régulièrement ses indicateurs de bilan et de résultats pour les porter au niveau des standards recherchés.  L’accélération de la croissance des dépôts et des crédits renforce régulièrement le poids et l’audience de la Banque dans le pays. A fin 2023, les profits des dernières années ont confirmé sa profitabilité et consolidé ses fonds propres. L’entrée récente de la RDC dans l’espace économique intégré de l’EAC, les opportunités offertes par une population de plus de 100 millions d’habitants et une exploitation mieux organisée de multiples ressources naturelles, les actions des Autorités pour la création d’un environnement plus favorable au développement économique, l’appui croissant des institutions internationales constituent des appui réalistes pour un avenir prometteur du système bancaire national au service du pays. L’atteinte par BOA-RDC en 2025 du nouveau capital minimum de 50 millions de USD édicté par la Banque Centrale lui permettra d’y participer pleinement et de poursuivre sainement son chemin.

Joyeux anniversaire et excellente année 2025 à la BOA-RDC et à ses équipes ! Que l’avenir leur soit radieux.

Paul Derreumaux

Article publié le 30/12/2024

BANK OF AFRICA-MADAGASCAR : The most amazing adventure

Even if all the BANK OF AFRICA are unforgettable for those who knew their birth, BANK OF AFRICA-MADAGASCAR (BOA-MADAGASCAR) holds a special place for the fears and enthusiasms, the sorrows and the happiness that it has inspired.

It was by accident, in 1997, that a trip to Antananarivo took place for a leasing company project.  The discovery of the « Big Island » is disconcerting by its populations, its civilization, its landscapes, so far from West Africa, the initial framework of the young Group under construction and its teams.  But we see it as a great opportunity to learn more about this African diversity and to be accepted by it.

The leasing project is carried out but will never be a great success. On the other hand, the stays it imposes allow us to better understand the national banking system. It is not very dense, and has several banks in the process of being privatized. The call for tenders is being launched for the largest, the National Bank for Rural Development (BTM). It is a behemoth compared to the five existing BOAs, with its 1600 employees and 70 agencies, and reviving it would be a gigantic task to conduct in an unknown world.  But how can we resist this new challenge? The Group then sends four employees to the site at the end of 1998 for detailed analyses, then submitted an offer. In the absence of major European or South African competitors, and to our happy surprise, BOA is selected in February. The adventure can begin…

Three difficult battles will be fought in the next 8 months. One, internal, will take place within the board of the holding company. Three camps stand out as soon as the « deal » is presented: the private directors, who are quickly won over by the prospects of the project; institutional investors, always cautious in the face of the unknown, and the european  bank shareholder, frankly hostile. For the latter, the dangers exceed BOA’s ability to succeed in this challenge: distance from other BOAs, excessive size of the target, difficulty in managing an entity outside the franc zone, too high cost. The file was reviewed by patiently responding to all the objections, which satisfied Proparco and the FMO, but the allied banker was inflexible. On the third attempt, the Board broke the taboo of the unanimity rule and validated the proposal: no one would ever have to regret it. Another phase then began in front of the Malagasy negotiators, who were used to such discussions and determined to have the objectives set for them accepted. Each side is firmly defending its positions and progress is slow. Between March and September 1999, it took no less than 5 « rounds » of tense negotiations in Paris, Antananarivo and Washington. Twice, the discussions are about to be broken off as the demands of one seem so far removed from the demands of the other. But the two teams end up to regard with esteem, mutually appreciating each other’s frankness and clarity of positions. The protocol signed in July in Paris has found an acceptable solution to the main issues under discussion: the fate of the BTM staff; procedures for maintaining branches; long-term leases of premises; financing by the State of outstanding debts; shareholding structure. It remains to be seen how the Group will finance the purchase of this major bank. Once again, solidarity, prudence and imagination will bring the right solution.  A sub-holding company of the Group, domiciled in Mauritius, was created in partnership with the BOAs of Benin and Côte d’Ivoire and, together with the holding, obtained approval to set up a banking subsidiary. The latter then buys BTM’s healthy assets at the same time as the final composition of the shareholder’s pool is completed : The State, national private shareholders, FMO and IFC, and later Proparco, were added.  In this set, BOA-MADAGASCAR will have the chance to rely on Malagasy private investors of exemplary quality and loyalty and on the State which will always respect its obligations.  The lucky star continues…

The follow up was easier from September 1999. The Group’s usual « recruiters » carefully and without incident choose the staff who are kept in place definitively and the others are compensated by the State. A team of five managers, including the Group’s two most experienced managers, moved to Antananarivo, and led all the planned structural transformations, with the full support of the retained national executives and agents. Computer scientists even managed to find a simple and economical solution to the « year 2000 bug » that worried us. At the end of November 1999, everything was ready: the legal « closing » was signed while all the BTM agencies switched overnight to the colours of the BOA. Even the mild sunshine of the season and the unique blue of the jacaranda flowers give this moment a festive air.  

From then on, the exciting work of reviving this bank began. The strategy is based on the optimal exploitation of the presence and audience of the former BTM, while giving the new entity the modernity, the diversity of services, the variety of audiences, ranging from households to the largest companies, which the Group knows well. The success of Tahiry accounts, savings accounts previously uncommon in BTM, will be particularly impressive. BOA-MADAGASCAR is also boldly and efficiently launching the subscription of Treasury bills. The shareholders themselves actively support these efforts: the share capital has thus increased sixfold in 25 years, with broad support for the requests. The years that have passed, however, have brought their share of unfortunate events: a serious political crisis in 2002, paralysing the activity of a country divided in two; heavy currency devaluation in its wake, reducing the value of the investment in Euros by 50%; above all, the distressing death of two of the Group’s best executives, posted in Antananarivo. Despite these setbacks, the teams continue to fight, confident that the strategy followed is the right one and that the results will be there. This is what is confirmed. BOA-MAGASACAR has established itself at the forefront of the banking market; its footprint of agencies, already gigantic, is still expanding; all types of customers, large or small, private and public, are loyal to him; still profitable, it pays generous dividends that strengthen shareholder confidence; its social actions have multiplied over time, anchoring the BOA in the national landscape.

The Bank has now built a beautiful headoffice, better suited to its size and ambitions. But its former headquarters, part of which has become a Cultural Centre, still sits majestic and peaceful at the top of Independence Square, as if it took great delight in the sounds of the capital. No doubt so that the elders remember with pride that the adventure began here, and to confirm that the founders, while nurturing hope and enthusiasm for a dazzling future, did not deny anything of a glorious past.

Happy birthday of 25 years of work and great achievements.

Paul Derreumaux

BANK OF AFRICA-MADAGASCAR : La plus étonnante des aventures

Même si toutes les BANK OF AFRICA sont inoubliables pour ceux qui ont connu leur naissance, la BANK OF AFRICA-MADAGASCAR (BOA-MADAGASCAR) tient une place spéciale par les peurs et les enthousiasmes, les peines et les bonheurs qu’elle a inspirés.

C’est par hasard, en 1997, qu’a lieu un voyage à Antananarivo pour un projet de société de crédit-bail.  La découverte de la Grande Ile déconcerte par ses populations, sa civilisation, ses paysages, si éloignés de l’Afrique de l’Ouest, cadre initial du jeune Groupe en construction et de ses équipes.  Mais nous y voyons une grande chance de mieux connaitre cette diversité africaine et de nous y faire accepter.

Le projet de leasing va aboutir mais ne sera jamais un grand succès. En revanche, les séjours qu’il impose permettent de connaitre le système bancaire national. Peu dense, il compte plusieurs banques en cours de privatisation. L’appel d’offres va être lancé pour la plus grande, la banque nationale pour le développement rural (BTM). C’est un mastodonte par rapport aux cinq BOA existantes, avec ses 1600 salariés et ses 70 agences, et le faire revivre serait une tâche gigantesque à conduire dans un monde inconnu.  Mais comment résister à ce nouveau défi ? Le Groupe dépêche donc sur place fin 1998 quatre collaborateurs pour des analyses détaillées, puis dépose une offre. Faute de grands concurrents européens ou sud-africains, et à notre heureuse surprise, BOA est retenue en février. L’aventure peut commencer…

Trois batailles difficiles seront menées dans les 8 mois qui vont suivre. L’une, interne, va se dérouler au sein du Conseil de la holding. Trois camps se distinguent dès que le « deal » est présenté : les administrateurs privés, vite conquis par les perspectives du projet ; les institutionnels, toujours prudents devant l’inconnu, et la banque européenne actionnaire, franchement hostile. Pour celle-ci, les dangers dépassent les capacités de BOA à réussir ce pari : éloignement des autres BOA, taille excessive de la cible, difficulté de gérer une entité hors zone franc, coût trop élevé. Le dossier est revu en répondant patiemment à toutes les objections, ce qui satisfait Proparco et le FMO, mais le banquier allié est inflexible. A la troisième tentative, le Conseil brise le tabou de la règle d’unanimité et valide la proposition : personne n’aura jamais à le regretter. Une autre phase démarre alors face aux négociateurs malgaches, rompus à de telles discussions et bien décidés à faire admettre les objectifs qui leur ont été fixés. Chaque partie défend fermement ses positions et les progrès sont lents. Entre mars et septembre 1999, il ne faudra pas moins de 5 « rounds » de négociations tendues à Paris, Antananarivo et Washington. Par deux fois, les discussions sont à un fil d’être rompues tant les demandes de l’un paraissent éloignées des exigences de l’autre. Mais les deux équipes finissent par s’estimer, appréciant mutuellement la franchise et la clarté des positions de chacune. Le protocole signé en juillet à Paris a trouvé une solution acceptable pour les principales questions en débat : sort du personnel de la BTM ; modalités de maintien des agences ; baux emphytéotiques des locaux ; financement par l’Etat des créances en souffrance ; structure de l’actionnariat. Il reste à trouver comment le Groupe va financer l’achat de cette grande banque. Une fois de plus, la solidarité, la prudence et l’imagination vont apporter la bonne solution.  Une sous-holding du Groupe, domiciliée à l’île Maurice, est créée en partenariat avec les BOA du Bénin et de Côte d’Ivoire et, jointe à la holding, obtient l’agrément d’implantation d’une filiale bancaire. Celle-ci achète ensuite les actifs sains de la BTM en même temps que se complète la composition définitive du « tour de table ». Vont en effet s’ajouter l’Etat, des actionnaire privés nationaux, le FMO et la SFI, et plus tard Proparco .  Dans cet ensemble, BOA-MADAGASCAR aura la chance de s’appuyer sur des investisseurs privés malgaches d’une qualité et d’une fidélité exemplaires et sur l’Etat qui respectera toujours ses obligations.  La bonne étoile continue.

La suite est plus facile à compter de septembre 1999. Les « recruteurs » habituels du Groupe choisissent avec soin et sans incident le personnel maintenu définitivement en place et les autres sont indemnisés par l’Etat. Une équipe de cinq responsables, dont les deux dirigeants les plus chevronnés du Groupe, s’installe à Antananarivo, et pilote toutes les transformations structurelles programmées, avec le plein soutien des cadres et agents nationaux conservés. Les informaticiens réussissent même l’exploit de trouver une solution simple et économe face au « bug de l’an 2000 » qui nous inquiétait. Fin novembre 1999, tout est prêt : le « closing » juridique est signé tandis que toutes les agences de la BTM basculent en une nuit aux couleurs de la BOA. Même le doux soleil de la saison et le bleu unique des fleurs de jacarandas donnent un air de fête à cet instant.   

Dès lors démarre le travail passionnant de la renaissance de cette banque. La stratégie se fonde sur l’exploitation optimale de l’implantation et de l’audience de l’ex-BTM, tout en donnant à la nouvelle entité la modernité, la diversité de services, la variété de publics, allant des ménages aux plus grandes entreprises, que le Groupe connait bien. Le succès des comptes Tahiry, comptes d’épargne, inusités auparavant dans la banque, sera notamment impressionnant. BOA-MADAGASCAR se lance aussi avec audace et efficacité dans la souscription des bons du Trésor. Les actionnaires soutiennent eux-mêmes activement ces efforts : le capital social est ainsi sextuplé en 25 ans, avec une large adhésion aux sollicitations. Les années qui s’écoulent apportent pourtant leur lot d’évènements malheureux : grave crise politique en 2002, asphyxiant l’activité d’un pays coupé en deux ; lourde dévaluation monétaire à sa suite, réduisant d’un coup de 50% la valeur en Euros de l’investissement ; surtout, disparition éprouvante de deux des meilleurs cadres du Groupe, en poste à Antananarivo. Malgré ces coups durs, les équipes continuent de se battre, confiantes que la stratégie suivie est la bonne et que les résultats seront au rendez-vous. C’est bien ce qui se confirme. BOA-MAGASACAR s’est installée au premier rang de la place bancaire ; son périmètre d’agences, déjà gigantesque, s’agrandit encore ; tous les types de clientèle, grandes ou petites, privées comme publiques, lui sont fidèles ; toujours bénéficiaire, elle sert de généreux dividendes qui renforcent la confiance des actionnaires ; ses actions sociales se sont multipliées au fil du temps, ancrant la BOA dans le paysage national.

La Banque a construit aujourd’hui un beau siège, mieux adapté à sa taille et à des ambitions. Mais son ancien siège, dont une partie est devenue Centre culturel, trône toujours, majestueux et paisible, au sommet de la Place de l’Indépendance, comme s’il se délectait des bruits de la capitale. Sans doute pour que les anciens se souviennent avec fierté que l’aventure a commencé ici, et pour confirmer que les fondateurs, tout en nourrissant l’espoir et l’enthousiasme d’un brillant futur, n’ont rien renié d’un glorieux passé.

Joyeux anniversaire de 25 ans de travail et de belles réalisations.

Paul Derreumaux

Article publié le 26/11/2024

ÉTATS UNIS : où ira-t-on avec Donald Trump ?

Le suspense a pris fin à 10 heures 30 GMT ce 6 novembre. Avec déjà 277 « grands électeurs » favorables, contre 270 requis, Donald Trump emportait l’élection de novembre, devenant le 47ème Président des États-Unis d’Amérique. L’incertitude aura été plus brève que pour Joe Biden en 2020 où il avait fallu attendre plusieurs jours pour connaître le sort des urnes.  Peut-être cette avance confortable explique-t-elle que les félicitations à M. Trump de ses pairs ont afflué avant même que la majorité lui soit acquise. Si cela est compréhensible de la part de certains peu soucieux de formalisme, l’empressement des dirigeants de grands espaces démocratiques -Inde, Union Européenne, Allemagne, France- est plus étonnant. Serait-ce la peur de s’exprimer en dernier vis-à-vis d’une personnalité facilement irascible et revancharde ?

Le débat entre les deux candidats s’est appuyé sur quelques idées-forces. Mme Harris défendait des valeurs sociales progressistes, en particulier au profit des femmes, et a été très vague, voire silencieuse, sur son projet économique. M. Trump a repris des thèmes de 2016 : conservatisme maximal aux plan social et religieux ; défense des intérêts des populations défavorisées et baisses d’impôts pour l’économie. Tous deux étaient protectionnistes, anti-immigration et isolationnistes au plan international, la première avec diplomatie, le second avec brutalité. Après coup, il apparait que les choix suivants l’ont emporté. D’abord, une nette priorité accordée aux questions économiques nationales, à deux niveaux ; lutte contre le déclassement, le chômage, la main d’œuvre étrangère pour les classes populaires ; baisses d’impôts et ultralibéralisme pour les « possédants ». Le bond du Dow Jones et du Nasdaq – respectivement +3,0% et +3,6% dès le 6 novembre- montre combien les bourses apprécient le résultat. Ensuite, une victoire des valeurs traditionnelles – surtout hors des grandes villes mais pas seulement, et y compris chez les immigrés- sur les orientations morales défendues d’abord par les urbains et les jeunes. Enfin, le peu d’importance accordé aux outrances, incohérences et promesses fantaisistes du vainqueur pour la désignation de celui qui incarnerait leur pays pendant 4 ans. Resteront deux questions importantes mais sans réponse : les Démocrates ont-ils bien choisi leur candidat ? Les Etats-Unis étaient-ils prêts à élire une femme ?

Disposant d’une marge de manœuvre plus grande qu’en 2016 – large majorité des voix, victoire au Sénat -, le Président élu s’efforcera d’appliquer au plus vite ses idées, aux États-Unis comme vis-à-vis du monde. Même avec la versatilité du personnage et les obstacles avec lesquels il devra composer, des changements sont à attendre sur au moins trois sujets. A l’intérieur, la concrétisation du slogan « MAGA » (Make America Great Again) est l’objectif central. Trump bénéficie ici d’un «alignement de planètes» : croissance soutenue, inflation maîtrisée, performances excellentes dans l’innovation et la productivité. Il va lui faciliter la mise en œuvre de baisses d’impôts et de taux d’intérêt, de hausse des droits de douane, de réduction des prix de l’énergie. Mais cette politique peut relancer l’inflation, notamment si des mesures drastiques anti-immigratoires augmentent les tensions sur l’emploi ou ralentissent la production, et faire baisser à l’excès le dollar. Ceci exigerait des mesures correctrices très pointillistes pour stopper ces dérapages sans casser la croissance, comme M. Powell a su le faire en 2023, Il n’est pas sûr que M. Trump accepterait facilement cette remise en cause. D’autres incertitudes pourraient apparaitre : l’annulation ou l’amendement de « l’Inflation Reduction Act » provoquerait l’arrêt de programmes créateurs de nombreuses industries dans des secteurs clés pour l’avenir et pénaliserait la croissance et l’emploi ; en matière financière, un ultralibéralisme favorable à l’essor du « shadow banking » ou des cryptomonnaies dans un système déjà peu contrôlable accroitrait les risques de crise financière, que les États-Unis ont déjà connue.

Vis-à-vis des grandes puissances étrangères, les évolutions sont plus incertaines puisqu’elles dépendront aussi des réactions des interlocuteurs.  On peut cependant s’attendre à ce que les positions de Trump soient immédiatement antinomiques à celles de la Chine, qui cherche à la fois à soutenir son économie, et donc ses exportations, et à devenir une seconde superpuissance. Les champs de confrontation seront à la fois économiques – guerre de monnaies et de taxes- et politiques, pour le cas de Taipeh. L’Union Européenne va être aussi dans une situation difficile. Elle est affaiblie économiquement (croissance insignifiante en 2024 et 2025 ; manque structurel de productivité et de compétitivité souligné par le Rapport Draghi) et politiquement (pouvoirs de l’exécutif très restreints en France, coalition gouvernementale défaite ce 6 novembre en Allemagne). Les relations de ses membres envers les États-Unis sont variées, pilotées selon les cas par des facteurs économiques ou politiques. Elle va devoir affronter le Président Trump sur le niveau du soutien apporté à l’Ukraine, voire sur une paix avec la Russie acquise au prix fort, mais aussi sur les règles de compétition économique avec les États-Unis. Ces tensions vraisemblables, attendues par beaucoup, pourraient être bénéfiques pour que la « Vieille Europe » mobilise ses énergies humaines, financières, techniques au service d’un grand dessein politique et économique pour son futur, comme réalisé en d’autres occasions. Mais il lui faudrait une détermination et une solidarité plus fortes que celles qu’elle possède présentement.  

En Afrique, États et populations ont probablement suivi les élections américaines avec plus de détachement qu’ailleurs.  Le continent n’a été la préoccupation des États-Unis, y compris sous la Présidence de Barack Obama, que pour quelques pays et secteurs clés, et non dans son ensemble au vu de ses 1,4 milliards d’habitants et de ses besoins de développement. Donald Trump n’y est jamais venu durant son premier mandat. L’impact des futures orientations américaines sera cependant notable à travers divers canaux : situation de l’Ukraine, relance de la production pétrolière aux États-Unis, exemple donné pour les freins à l’immigration, désintérêt pour la lutte mondiale contre le dérèglement climatique, … Deux évolutions pourraient en résulter pour les pays africains : la tentation de se tourner davantage vers les perspectives offertes par le « Sud Global » ; la prise de conscience que, plus que jamais, la résolution des problèmes existants viendra d’eux-mêmes et de leur capacité à construire un avenir économique cohérent de leurs nations. La première est probable ; la seconde pourra difficilement être suivie par tous.

Comme prévu, l’impact mondial de l’élection américaine est inévitable. A l’intérieur des États-Unis comme à l’étranger, les effets dépendront de la façon dont le nouveau Président cherche à appliquer ses idées en tenant compte ou non de ceux qui ne l’ont pas élu ou qui ne dépendent pas de son autorité. Plus puissant et mieux préparé qu’en 2016, M. Trump saura-t-il inclure une dose de pragmatisme, de diplomatie et de vision à long terme dans ses actions, qui s’impose aux Hommes d’État, et impulser alors des changements profitables. S’il veut au contraire être le « dictateur » qu’il annonce, il ne peut s’attendre à ce que ses opposants acceptent ses diktats sans broncher. La paix, qu’il appelle par ailleurs de ses vœux, risque alors de ne pas être au rendez-vous et la démocratie américaine d’être en sérieuse difficulté.

Paul Derreumaux

Article publié le 08/11/2024

BANK OF AFRICA-UGANDA : A STRENGTHENED EAST AFRICAN PRESENCE OF BOA IN 2006

On this day at the end of 2005, Kenya Airways’ morning Boeing 737 from Nairobi is approaching Entebbe airport. With the bright sky of the dry season, the first image of travelers is the magnificent view of Lake Victoria with its immensity and intense blue. However, the small team of the BANK OF AFRICA (BOA) does not linger. It hurries to join the Financial Manager of the Allied Bank who is waiting for in the parking lot, and they all take the long road that will lead them to Kampala. Thus began the first field mission that would lead a year later to the BANK OF AFRICA-UGANDA.

For a few months now, BOA’s holding company has resumed its negotiations with the Belgolaise bank for the purchase of part of its African network. After more than a year of fruitless discussions, particularly for Ghana’s branch, efforts are focused on the acquisition of the Belgian Group’s majority stake in its subsidiaries in Uganda and Tanzania. Both banks are small, but they are a crucial stake in strengthening a recent entry into the East African Community (EAC). Several favourable factors will play a role in facilitating and accelerating the establishment in Uganda in the first place.

In 2005, Allied Bank ends a difficult period during which it had been well restructured. The Ghanaian Managing Director who was then at the helm of the bank used his experience, his knowledge of the field and his « leadership » talents to mobilize his teams in a heavy work of reorganization, modernization and commercial revival. The managers and staff around him have actively worked on this project, which is now bearing its first fruits.

On BOA’s side, the due diligence goes smoothly and gives a clear idea of the institution’s situation, the likely cost of the purchase, the extent of further investments to be made and the possible strategy. A fraction of the time spent in Kampala is also used to raise awareness of the BOA Group and to convince key local stakeholders of its strengths. This is of course first and foremost the case for the staff, who are concerned about whether this French-speaking bank will be able to impose itself in Uganda, adapt its methods to the local context and instil the dynamism that has been lacking in recent years in the outgoing shareholder. The same presentation is held at the Central Bank that must be listened to in order to understand the rules that will have to be respected to obtain the authorization of this purchase, as well as to then carry out the bank’s activities. On leaving Kampala, the mission’s conviction was fixed: the audit did not reveal any anomalies likely to call into question the preliminary discussions, the growth potential of the bank and its contribution to regional synergy is significant, and the welcome received was positive. So it’s necessary to move quickly to take the steps.

Once this orientation has been validated by the Board, several trips to Uganda at a rapid pace will lead to a quick evolution of the file. From the first return to the site, the Managing Director of Allied, who was absent during the initial stay, will be a valuable support. As comfortable in commercial or administrative contacts as he is attentive in control, with a clear vision of the potential of his bank and the means to achieve them, he is ready to continue his mission, which would extend the work already accomplished. He easily adheres to the orientations set out for the future: preservation of the existing clientele but strong broadening and diversification of the target public; building a network of branches; « all-out » exploitation of synergy’s advantages in the AEC; continuous policy of modernization and integration into the BOA Group, especially for « key accounts ». It was therefore easily decided that he and all the members of staff who wished to do so would be able to remain in place. Their overall acceptance, as well as that of the Chairman of the Board approached for this purpose, make it possible to place the approach adopted under the sign, reassuring for all, of a perfect continuity of the teams at the service of the new expansion policy supported by a Group in broad development.

At the Central Bank, the application for approval is also progressing rapidly. In view of the regulatory requirements, the essential role of BANK OF AFRICA-KENYA is confirmed. The Group therefore immediately achieves a capital increase of the latter, which gives it the financial means to hold a 46% stake in the capital of the subsidiary being created. Kenya’s two partners, FMO and Aureos Investment Fund, each acquire 22% of the capital. Central Holdings Uganda, already a shareholder in Allied Bank, maintains its 10% stake and will remain a loyal partner. On this solid basis, and facilitated by the diligence of the Governor of the Central Bank and his staff, the agreement was obtained in May 2006. The lengthy legal updates efficiently carried out by the Group’s Kenyan lawyer lead to the opening of BOA-UGANDA in October 2006.

From then on, the new entity will be able to seize all opportunities to improve its visibility and growth. Through its emphasis on commercial activities and quality of service, the Bank succeeds in retaining its previous clientele and rapidly developing its audience despite increased competition from the arrival of new institutions. The construction of its new headquarters strengthens its attractiveness, improves the installation of growing teams and facilitates their work. Methodically, BOA-UGANDA builds a dense network of branches in the capital and in the rest of the country and became the « all public » banking institution that was sought. The dynamism of Uganda’s economy and businesses is driving the impact of these various initiatives. Thanks to them, and to the impressive leaps in equity capital – multiplied nearly 20 times in EUR between 2006 and 2023 – BOA-UGANDA is progressing on the banking market and is gradually entering the category of « Tier 2 » banks. Admittedly, it is hit as everywhere by the systemic crisis of Covid 19 and also suffers the disadvantages of frequent currency depreciations. Despite everything, the figures speak for themselves: in 18 years, the balance sheet as well as deposits and loans will have multiplied by 12 to 15 times in Ugandan shillings, while the bank will have remained almost constantly profitable.

The latter is resolutely charting its course in the harmonious balance of a strong local anchoring and an active contribution to a banking network in continuous growth. Regional integration has been strengthened with BOA-KENYA becoming the majority after the departure of FMO and Aureos. The young Financial Manager of 2006 became today the Bank’s Managing Dircector and has lost none of his enthusiasm and commitment. The Bank, its team and its shareholders continue to invest and innovate. BOA-UGANDA has not finished growing and surprising.

Happy birthday and big hits ahead.                   

Paul Derreumaux