COP 29 en vue : quoi de neuf depuis un an ?

En novembre prochain, une très grande majorité des Etats et des grandes organisations devraient se retrouver à Bakou pour la 29ème Conférence Internationale sur le Climat (COP 29). A moins d’un mois de cette rencontre, les changements intervenus depuis la COP 28 diffèrent selon qu’on observe les décisions collectives mises en œuvre, l’évaluation des dangers, les efforts des Etats, les progrès des entreprises ou la situation de l’Afrique.

La réunion de Dubaï en novembre 2023 n’avait permis que des décisions limitées et leur mise en application est fort lente. Un des résultats tangibles les plus importants a été la création du « Fonds Pertes et Dommages » pour le financement de la réparation des dégâts liés aux accidents climatiques dans les Pays les moins Avancés, demandé de longue date, Toutefois, celui-ci est encore loin d’être opérationnel et n’a recueilli que des promesses d’engagement à concrétiser. Sur un autre plan, les 100 milliards de USD que les pays riches avaient décidé en 2009 d’apporter chaque année, entre 2020 et 2030, au profit des actions des pays en développement visant à éviter et combattre les dérèglements du climat n’ont été atteints qu’en 2022. Ces montants sont cependant surtout d’origine privée et sous forme de prêts, et apparaissent aujourd’hui notoirement insuffisants. De multiples structures sont apparues, mais un bilan d’ensemble des réalisations et de leurs résultats est à faire. Si cette profusion d’initiatives confirme une prise de conscience généralisée et un recul du « climatoscepticisme », les actions menées illustrent le peu d’enthousiasme pour un travail commun sur les enjeux les plus décisifs -comme cet agrément « équivoque » de la COP 28 sur le « transitional way » vers les énergies renouvelables-, faute d’une gouvernance mondiale plus contraignante et unanimement acceptée, et d’approches techniques agréées par tous.

Face à ce constat décevant, les évolutions climatiques se font plus menaçantes. Les derniers rapports du Groupe d’Experts pour le Climat (GIEC) détaillent des points d’inquiétude plus nombreux et plus dégradés- fonte accélérée des glaciers, surtout dans l’Arctique, qui est peut-être l’indicateur le plus inquiétant ; montée des eaux ; réchauffement généralisé des terres et océans ; accidents climatiques multipliés. La limitation de la hausse des températures mondiales à 1, 5° par rapport à l’ère préindustrielle parait désormais quasiment impossible et une borne alarmiste à +2,5° semble déjà difficile à l’horizon 2050. Dans de nombreux pays, longues sécheresses et graves inondations peuvent alterner à bref délai, parfois aux mêmes endroits : les Philippines, le Brésil, la Californie, l’Espagne, l’Ethiopie, la Chine en ont été victimes ces deux dernières années. Cyclones et ouragans semblent gagner en violence et en fréquence : la Floride essuie ce mois en 8 jours les deux ouragans Hélène et Miton de force 5. Au Brésil, une forte sécheresse a ravivé les feux de forêt en Amazonie alors que la déforestation humaine avait été stoppée pour l’essentiel. Les contraintes climatiques perturbent les pratiques agricoles ancestrales, de l’élevage bovin ou de la vigne en Europe. Le réchauffement réduit la diversité biologique dans le monde entier. Les faits nous rappellent donc sans cesse l’urgence des combats à mener.

Ceux-ci semblent toutefois s’être renforcés au niveau des Etats, en particulier pour le « mix énergétique ». Dans l’Union Européenne (UE), les énergies renouvelables constituent désormais, selon une étude du bureau Strategic Perspectives, environ 25% de la production d’électricité mais atteignent des niveaux très inégaux – en 2022, 66% du total en Suède mais seulement 21% en Allemagne et 23% en France-. Les progrès s’accélèrent avec le Plan Vert mais restent en ordre dispersé : pour 2030, le taux des « énergies propres » approcherait 80% en Espagne, mais la partie orientale de l’UE, Pologne exclue, ne sera qu’en début de mutation. De plus, certains objectifs particulièrement ambitieux pour la protection de l’environnement pourraient être revus à la baisse, en raison des rejets exprimés par certains secteurs d’activité comme l’agriculture. C’est toutefois en Chine, qui domine la production mondiale de panneaux solaires, d’éoliennes et de batteries, que l’évolution est la plus spectaculaire : la capacité d’électricité photovoltaïque y a doublé ces deux dernières années, représentant plus de 50% de la hausse mondiale, même si la situation est encore nettement moins favorable pour les utilisations effectives. Aux Etats-Unis, la hausse est moins impressionnante, mais la priorité donnée à la recherche-développement dans les investissements réalisés est porteuse pour l’avenir.  En Inde, la société Total construit un « giga-parc » mixte -solaire et éolien- d’une capacité totale annoncée de 50 GW en 2030. Les changements opérés donnent des progrès visibles pour les gaz à effet de serre, où les émissions nouvelles de CO2 ralentissent leur hausse, voire reculent -comme en France en 2023 et 2024, et même en Chine en 2024.

A côté des Etats, l’action des entreprises est restée déterminante pendant l’année écoulée. Ce sont elles qui adaptent et inventent les techniques et les produits capables d’être moins énergivores, moins nocifs pour la nature et l’environnement, plus durables. Ces actions concernent un nombre croissant de sociétés de toutes sortes, poussées à la fois par la recherche de coûts plus réduits dans leurs mode de production et de produits plus attractifs par une empreinte carbone plus modérée et/ou de nouvelles préférences des consommateurs. Ces transformations sont nombreuses et touchent tous les secteurs : recyclage de biens de consommation pour l’allongement de leur durée de vie ; changement de matériaux pour certains articles ; nouvelles méthodes de production ; produits alimentaires aux besoins en eau plus modestes… Cette mutation continue n’est pas désintéressée : le dérèglement pénaliserait plus que prévu la croissance économique mondiale – -12% sur 6 ans par degré de réchauffement selon une étude de Harvard – tandis que la décarbonation des produits peut à la fois diminuer des coûts de fonctionnement et rendre tolérables des prix plus élevés. Si ces constats favorisent   l’accélération des mutations, de gros défis peinent à progresser : le stockage du CO2 en grande profondeur n’est qu’au stade d’expérimentation par quelques firmes danoises et norvégiennes ; la diminution du méthane, autres gaz à effet de serre, est à peine ébauchée.

Loin de ces progrès, dans l’attente des financements promis, l’Afrique a aussi subi en 2024 son lot d’accidents climatiques.  Aux régions déjà sévèrement touchées, s’est ajouté le Sahel, lourdement frappé par des inondations d’ampleur inhabituelle : près de 1500 morts identifiés, des milliers de personnes déplacées, maisons et récoltes détruites,… Sur le continent, les principaux investissements recensés concernent surtout les énergies renouvelables. Toutefois, même en ce domaine, les grands programmes pluriannuels, comme celui récemment annoncé en Côte d’Ivoire, restent rares. De plus, les efforts impulsés en 2023, par le Kenya et l’Afrique du Sud notamment, pour que l’Afrique subsaharienne parle d’une seule voix et formule ses propres propositions, semblent plus difficiles à reproduire cette année : les tensions politiques internes ou régionales et les difficultés économiques imposent aux Etats des urgences plus nombreuses qui pénalisent les réflexions stratégiques pourtant indispensables.

Selon les angles d’observation adoptés, le bilan se révèle donc fort inégal. Décevant pour les actions collectives qui se limitent jusqu’ici pour l’essentiel aux effets d’annonce. Inquiétant pour l’aggravation des risques encourus et la multiplication des signaux d’alerte. En amélioration pour les interventions des Etats face à des dangers majeurs, mais dispersé selon les pays dans les résultats déjà atteints. Encourageant pour les investissements des entreprises, conscientes de l’intérêt que représente pour elles la prise en compte de ces exigences climatiques. Attristant pour l’Afrique, toujours victime de l’insuffisance de ses moyens et de son isolement. La faiblesse d’ensemble dans ces rythmes de réponse empêche de desserrer l’étreinte des dangers. Il reste à souhaiter que la COP 29 saura mettre en valeur l’urgence des périls et convaincre tous les acteurs de renforcer leurs actions, au moins individuelles.

Paul Derreumaux

Article publié le 22/10/2024

BANK OF AFRICA : l’installation tant attendue au Sénégal en 2001

L’«aventure » imprévue  mais extraordinaire vécue par BANK OF AFRICA (BOA) à Madagascar a concentré provisoirement les énergies et les financements de la holding du Groupe sur de nouveaux horizons, mais n’a pas remis en cause sa priorité stratégique de compléter sa présence dans l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA). Après l’ouverture de la nouvelle filiale à Antananarivo fin 1999, le projet d’implantation du réseau à Dakar, souhaité de longue date, est donc repris.

Le contexte interne est favorable. Les fonds propres de la holding de tête du Groupe se sont nettement consolidés depuis 1998, en prévision de nouveaux investissements. Le capital libéré passe de 30 à 75 millions de francs français (FRF) entre 1998 et 2001. Il atteindra le seuil symbolique de 100 millions de FRF, soit 15,2 millions d’Euros, en 2003. Le bilan de cette structure centrale a triplé sur la même période et les bons résultats des filiales apportent des bénéfices croissants, et donc des dividendes réguliers à ses actionnaires ainsi encouragés. Grâce à cette bonne évolution, BOA a étoffé son équipe d’assistance technique, passée à 27 experts en 2001, partagés entre les 5 filiales en activité et les Structures Centrales qui se spécialisent.

C’est donc avec enthousiasme que le Conseil d’Administration se saisit de nouveau du projet sénégalais. L’attraction de ce pays, deuxième puissance économique et pôle politico-culturel essentiel de l’UEMOA, est ancienne. Une première tentative avait avorté en 1991 et le dossier avait été longtemps mis au second plan en raison d’appréhensions diverses, telles la densité et la puissance de la concurrence, et les risques élevés en matière de distribution de crédit. Avec la montée en puissance du réseau, il faut franchir définitivement le pas. En septembre 2000, les équipes se sont mises à la recherche d’opportunités d’une prise de participation majoritaire dans une banque de la place, mais aucune réponse favorable n’est obtenue. Dès début 2001, le choix est fait de créer une filiale « ex nihilo », revenant ainsi à la pratique initiale de BOA qui avait prouvé son efficacité.

Deux chantiers s’ouvrent alors qui seront rondement menés. La constitution de l’actionnariat de la future BANK OF AFRICA-SENEGAL (BOA-SENEGAL), d’abord : la holding ayant retenu de détenir 60% du capital, des alliés habituels -Proparco, FMO, les BOA du Bénin et de Côte d’Ivoire- souscrivent aisément le solde, après qu’une place a été réservée à deux sociétés d’assurance et à quelques privés locaux. Le dossier de demande d’agrément auprès de la Banque Centrale, ensuite. Le capital initial de 1,5 milliard de FCFA ayant été immédiatement libéré, les documents requis sont confectionnés et déposés à la Commission Bancaire qui rendra son verdict positif à sa session de juin 2001.

Il reste au Groupe à mener tous les chantiers habituels d’une nouvelle entité en combinant au mieux les enseignements de son expérience passée et les solutions spécifiques requises par les inévitables contraintes locales. Sur ce dernier plan, la chance sourira à la BOA-SENEGAL. Un site est trouvé en août pour le siège : petit, mais excellemment situé sur la magnifique Place de l’Indépendance, il va faciliter sa visibilité par le public et reste une des agences les plus appréciées de la Banque. Dès juillet, le processus de recrutement de l’équipe de démarrage s’effectue selon les procédures sévères déjà testées au Bénin ou au Mali. Deux consultants partenaires sélectionnent avec soin, en plusieurs étapes et parmi le millier de candidatures reçues, les quelque 20 personnes, tous jeunes diplômés, souvent sans grande expérience mais à bon potentiel, qui constitueront le personnel originel. Après leur identification, ils sont formés jusqu’à fin septembre en « banque-école » par des cadres de AFH-SERVICES et des agents déjà expérimentés de la jeune BOA-BURKINA-FASO. Dans le même temps, les installations se mettent en place, les correspondants internationaux confirment leur accord de coopération. Le Conseil d’Administration de 9 membres, présidé par une personnalité malio-sénégalaise respectée de tous, contrôle l’avancée à marche forcée de ces diverses étapes et a choisi le Directeur Général français et le Directeur Général Adjoint, cadre de la BOA-BENIN. En octobre 2001 la BOA-SENEGAL ouvre enfin ses portes.

Une nouveau défi s’engage  : imposer la nouvelle entité sur la place bancaire sénégalaise si compétitive. L’équipe en place déploie toutes les actions qui ont fait la force du réseau BOA : accueillir largement le public des ménages ; séduire les entreprises, petites ou grandes, en prouvant sa capacité à répondre à leurs principaux besoins financiers ; construire, dans la capitale puis ailleurs, un réseau d’agences le plus dense possible ; mettre au premier plan la qualité de service et la disponibilité pour toutes les clientèles. Si l’énergie est immédiate et totale, les débuts sont difficiles. Comme attendu, la compétition est redoutable et les offres concurrentes nombreuses et de qualité. Plusieurs Directeurs Généraux vont se succéder en quelques années, ce qui pénalise la cohérence stratégique. Même si elle est régulière, la montée en force est donc plus lente que prévu. Les choses s’accélèreront à partir de 2006. Le DGA, devenu Directeur Général, met à profit l’excellente expérience du marché acquise en 4 ans et ses qualités de « leadership » pour multiplier les actions commerciales et stimuler ses « troupes ». Après son départ en 2013 et jusqu’à ce jour, quatre directeurs généraux – un Ivoirien, deux Maliens, un Burkinabé- poursuivront ce travail avec la même ardeur et les mêmes ambitions. Leurs équipes, progressivement renforcées selon les mêmes méthodes et plus expérimentées, sont au rendez-vous pour les performances voulues. Enfin, la BOA-SENEGAL élève à plusieurs reprises son capital social, en élargissant aussi son actionnariat, et peut ainsi augmenter ses moyens humains, techniques, commerciaux et de présence sur le territoire. La constance et l’ampleur des efforts accomplis ont ouvert les voies de la croissance, de la rentabilité et de la notoriété, et font de la Banque un acteur financier de référence pour l’Etat comme pour beaucoup de grandes entreprises.

BOA-SENEGAL a eu enfin la chance, au long de ces années, de vivre quelques moments remarquables. Depuis décembre 2013, son imposant nouveau siège, adapté à la taille acquise, se dresse face à la mer. Un an plus tard, elle devient la 4ème banque du Groupe cotée sur la Bourse Régionale des Valeurs Mobilières. Fin 2023, son bilan la place au 4ème rang des banques sénégalaises, mais elle est aussi la première en nombre de comptes de clients. En 2024, des jeunes recrues de 2001 sont dans les Directions Générales des filiales à Antanarivo ou à Niamey.

Forte de ses 23 ans, la jeune adulte mérite bien qu’on lui souhaite, ainsi qu’à tous ceux qui la gèrent et la feront encore progresser, un excellent anniversaire et de belles perspectives.

Paul Derreumaux

Article publié le 14/10/2024

Afrique subsaharienne : qu’y a-t-il derrière le Produit Intérieur Brut (PIB) ?

Plusieurs fois par an, de grandes institutions internationales et régionales annoncent les évolutions du Produit Intérieur Brut (PIB) par pays, région ou continent. En Afrique, les données de la Banque Mondiale, de la Banque Africaine de développement et des Banques Centrales sont les plus attendues et les plus écoutées. Celles-ci conduisent à deux constats : le contenu de ces informations reste imparfait, en dépit des améliorations apportées ; malgré les actions mises en oeuvre, les meilleurs taux de croissance peinent à dépasser durablement les 7%/an, ce qui demeure insuffisant pour accélérer le développement espéré.

Pour la valeur des PIB, les Autorités publiques, en particulier, sont, à juste titre, friandes de ces publications et des classements qui y sont attachés : ils permettent en particulier de mettre en valeur les progrès obtenus par rapport aux voisins et aux concurrents. Certaines évolutions sont incontestables et aisément vérifiables. Ainsi, durant la période 1995/2014, celle de l’«Afro-optimisme »,  la réalisation d’importants investissements -d’infrastructures  et productifs-, le grand essor des entreprises privées, la libéralisation de nombre d’économies nationales traduisaient bien sur le terrain le retour à la croissance soutenue des PIB telle qu’annoncé. En revanche, des incertitudes persistent souvent sur cet agrégat, comme sur d’autres données macroéconomiques ou sectorielles, en raison de divers facteurs. Quatre d’entre eux apparaissent essentiels.

L’un est lié à l’importance du secteur informel sur tout le continent. Celui-ci est par définition difficilement quantifiable et mouvant en fonction de la conjoncture et des opportunités. Il peut croître en cas de situation économique difficile, de crises politiques ou de forte inflation, et touche surtout des « poids lourds » des systèmes économiques subsahariens -agriculture vivrière, commerces, services. Sa place tend aussi à enfler dans les pays les moins avancés, ce qui peut provoquer une sous-estimation des PIB correspondants et une détérioration sans fondement de leur position relative. Le second facteur majeur réside dans les insuffisances persistantes des appareils statistiques nationaux : fréquence faible et irrégulière des enquêtes, retards dans la disponibilité et l’exploitation des résultats, manque de ressources humaines et financières, coordination imparfaite des différents Services intéressés. Encouragées au niveau continental, les améliorations existent – la Côte d’Ivoire vient de faire le point de ses avancées – et sont donc à amplifier. Le troisième élément réside dans les changements structurels qui, au fil du temps, affectent entre autres les secteurs d’activités, les modes de production, les habitudes de consommation, les prix relatifs, et en conséquence les modalités de calcul des PIB. Pour éviter de trop grands ajustements liés à cette nécessaire mise à jour, les années de référence utilisées devraient être changées au moins tous les 10 ans. En Afrique, ces « rebasages » ont lieu beaucoup moins fréquemment et provoquent des reclassements brutaux. Enfin, les PIB peuvent être exprimés de nombreuses manières – en USD, à prix courant, constant ou en parité de pouvoir d’achat-, en monnaie nationale, …ce qui entraine des évaluations fort diverses lorsque les taux de change se modifient rapidement. Ces deux derniers points expliquent des changements récents. Ainsi, en USD courants, le « rebasage » du Nigéria en 2014 a fortement contribué à le placer devant l’Afrique du Sud et à devenir la 1ère puissance économique en Afrique. Le même phénomène vient de propulser l’Algérie en 3ème position en 2024 tandis que le Nigéria rétrogradait au 4ème rang en raison de la chute du Naira.

Pour tenir compte de ces limites, les taux de variation annuels des PIB tendent à être plus souvent utilisés que leurs valeurs absolues, notamment sur des périodes de comparaison de courte durée. Ainsi, ils montrent bien le ralentissement de la croissance moyenne de la zone depuis 2015, les écarts notables et parfois durables entre pays, et le fort impact négatif des crises mondiales récemment subies -Covid, forte inflation. Pour 2025, les dernières prévisions du Fonds Monétaire International (FMI) laissent espérer une faible remontée, avec une estimation de +4%, certes une première depuis 10 ans mais une hausse du PIB/tête malgré tout inférieure à 2%. Surtout, les pays qui atteignent sur une période assez longue une hausse du PIB d’au moins 7%/an sont encore très peu nombreux. Dans la période récente, une bonne dizaine de pays ont réalisé cette performance certaines années – Botswana, Côte d’Ivoire, Ethiopie, Kenya, Rwanda, par exemple -, mais quittent ce groupe à d’autres moments pour différentes raisons.

Une décomposition sommaire des éléments composant le PIB apporte quelques explications de ces difficultés. Chaque pays possède en effet plusieurs secteurs économiques qui favorisent de manière « stable » une croissance soutenue, principalement poussée par des facteurs internes : l’agriculture vivrière, stimulée entre autres par la hausse des populations et des revenus ; les télécommunications, les banques et les activités commerciales qui répondent aux besoins de consommation anciens et nouveaux des agents économiques nationaux. D’autres secteurs présentent au contraire des évolutions fort variables, qui, selon les moments, « boostent »   une croissance nationale ou la ralentissent. C’est le cas des cultures de rente et des productions minières, tournées toutes deux vers l’exportation et dépendant de demandes et de prix fixés à   l’international. Il en est de même pour les investissements, publics et privés, dont le volume est fonction de déterminants nombreux et mouvants : programmes de développement des Etats, attractivité de l’environnement administratif, fiscal et juridique, disponibilité de financements adaptés locaux et/ou étrangers par exemple. Certains secteurs enfin ont souvent un poids relatif faible alors que leur influence, directe ou indirecte, sur la variation du PIB pourrait être importante : les activités industrielles, d’un côté, et l’éducation, le logement et la santé, de l’autre, en sont de bonnes illustrations.

Les voies possibles issues pour une amélioration des taux de croissance moyens, issues de ces brefs constats, recoupent des recommandations connues : consolider les secteurs « stables » en améliorant aussi leur efficacité, surtout pour l’agriculture ; réduire les dépendances extérieures par la transformation de produits exportés ; intensifier les investissements les plus en retard et ayant l’impact le plus large, comme l’énergie ; encourager les industries locales ; faire de l’éducation et de la santé pour tous des priorités nationales. Elles mettent aussi en évidence les données financières et comportementales indispensables pour entretenir ces circuits vertueux. Celles-ci vont de la hausse des ressources fiscales ou du renforcement du rôle des systèmes financiers à une meilleure crédibilité des Etats ou un soutien plus affirmé aux initiatives privées en passant par des stratégies plus pertinentes de l’appui international au développement.

La bonne connaissance du contenu des PIB tout autant que l’obtention pour un bon nombre de pays d’une croissance moyenne plus élevée sont donc des objectifs qui demanderont encore beaucoup d’efforts. Leur atteinte est cependant cruciale pour concrétiser une autre ambition majeure : assurer dans chaque pays la répartition la plus équitable des améliorations du PIB.    

Paul Derreumaux

Article publié le 26/09/2024

CARNETS DE VOYAGE : LES ETATS-UNIS VUS DE POITIERS

Le Futuroscope de Poitiers est d’abord la preuve concrète que la détermination et l’union de responsables publics et privés étaient capables de réaliser il y a 40 ans, à 2 heures de Paris, un investissement imaginatif et d’envergure. La qualité de sa conception – à la fois parc d’attraction, centre de formation pôle ludique de technologies avancées- ses constantes améliorations, le soutien de ses financiers et sa bonne gestion en ont fait un lieu de détente et de connaissance de notoriété mondiale.

Mais le Futuroscope sert aussi de cadre pour de brillantes réunions. Celle organisée le 30 août, comme chaque année, par la Fondation Prospective et Innovation (FPI) était de celles-là. Sous la ferme houlette du Président Jean-Pierre Raffarin, des experts de tous horizons -hommes politiques, patrons d’entreprise, universitaires, analystes- ont confronté leurs idées sur le thème « Que peut-on attendre aujourd’hui des Etats-Unis ? » avec brio en alliant connaissance, vécu, sincérité et prudence. De cette réunion passionnante, quatre idées centrales peuvent sans doute être dégagées.

En 2024, les Etats-Unis restent toujours dans le monde la seule « superpuissance » comme le montrent notamment des chiffres clés relatifs à l’économie, la finance, la puissance militaire ou l’influence « civilisationnelle » (le « soft power »). Certes, cette particularité est affaiblie depuis une vingtaine d’années tant à l’international -échecs en Irak et, surtout, en Afghanistan ; influence plus modeste au Moyen-Orient- qu’à l’intérieur -montée des inégalités et de la pauvreté qui fracture, voire « hystérise », les rapports sociaux. Malgré tout, les Etats-Unis, dont le déclin est souvent évoqué, continuent à faire preuve d’une impressionnante capacité de rebond économique qu’ils ont encore démontrée après la crise financière de 2008 et celle sanitaire de 2020.

L’élection présidentielle en cours, relancée avec le remplacement du Président Joe Biden par  Kamala Harris, apparait ce jour incertaine dans ses résultats. Malgré ses incohérences fréquentes et ses ennuis judiciaires, le candidat Trump conserve la confiance de la base électorale qu’il a conquise en 2016, faite pour une bonne part des victimes de la crise de 2008 ignorées par la campagne démocrate de l’époque, et a actuellement réduit à néant toute autre orientation au sein du parti républicain. De son côté, en un temps éclair, Mme Harris a obtenu le soutien des caciques démocrates, évité le piège des primaires, mis en avant quelques propositions séduisantes -protection du droit à l’avortement, soutien économique de la classe moyenne-, fait oublier ses handicaps -femme, non blanche-, relancé le flux indispensable des donations, et repris l’offensive. Son co-listier, Tom Waltz, devrait aussi lui apporter un bon soutien pour prendre l’avantage dans les « Swing States » et pour dialoguer avec la Chine.

Quel qu’il soit, le prochain Président maintiendra la politique d’« America First » que ses prédécesseurs ont adoptée. Certes, la nature des relations variera selon l’élu – imprévisibilité et brutalité pour Trump, modération et cordialité pour Harris-, mais le fond restera inchangé. Le tropisme vers l’Asie et la compétition avec la Chine s’accentueront sans doute. Les préoccupations économiques devraient être encore plus prégnantes pour éviter à tout prix une récession économique qui menace mais aussi le retour de l’inflation, pour mieux maîtriser l’immigration, pour mettre à niveau les investissements publics et productifs et pour soutenir le pouvoir d’achat. Le rôle du pays dans le règlement des conflits majeurs actuels – Ukraine et Gaza- sera donc confronté à ces autres priorités : ceci pourrait atténuer la volonté des Etats-Unis de garder le « leadership » sur les solutions qui pourraient y être défendues.

Ce dernier aspect est essentiel pour l’Union Européenne (UE) et tous ses membres. Ceux-ci balancent encore souvent entre la facilité (relative) de s’appuyer sur les Etats-Unis pour tenir le rôle central, économique et militaire en particulier, mais aussi d’influence, dans ces guerres, et la volonté de prendre désormais en charge une place décisive dans les efforts de leur règlement. C’est particulièrement vrai pour l’Ukraine dont l’issue de la lutte avec la Russie sera cruciale pour les Etats de l’UE. L’enjeu est d’autant plus complexe que ces derniers ne sont pas tous exactement du même avis sur les solutions souhaitées, en particulier pour Gaza, et qu’une forte implication exige des engagements financiers pouvant dépasser les moyens actuels des pays de l’UE. L’importance et l’urgence de ces questions imposent toutefois à l’Europe une prise de conscience plus aigüe de ses responsabilités et une unité constante dans l’action.

Après des débats passionnés, une balade dans la campagne tourangelle apaise les esprits. En fin de cet été pluvieux, des champs aux forêts, le vert domine le long des routes désertes. A l’écart des grands châteaux de la Loire, la cité royale de Loches offre calme et dépaysement avec ses maisons médiévales, ses donjons et clochers et le souvenir de Charles VII qui l’affectionnait. Une soirée inspirante entre amis autour d’un délicieux repas fait oublier la pluie tôt venue dans la nuit. Paris, demain : ses rentrées de vacances et ses pérégrinations politiques actuelles. Puissent les esprits sages et solides du Poitou-Charentes et de la Touraine nous inspirer.        

Paul Derreumaux

SETTING UP IN TANZANIA IN 2007: A MAJOR CHALLENGE FOR THE BOA GROUP IN EAST AFRICA

In June 2007, the BANK OF AFRICA(BOA) Group obtained the ‘green light’ from the Central Bank of Tanzania (CBT) for the purchase of the Eurafrican Bank of Tanzania (EAB). The transformation of EAB into BOA BANK-TANZANIA(BOA-TANZANIA), the 10th commercial bank in the network started in Mali in 1982, was completed two months later. As with the other entities acquired in the English-speaking region since 2004, the process of setting up the bank was a difficult one, but the result was well worth the tenacity of the teams working towards this goal.

The move to Dar-es-Salam is first and foremost the final stage in a long process carried out with the Belgolaise Bank Group. Since 2003, various negotiations have taken place to take over the African subsidiaries that this major Belgian bank was planning to sell. Three new banks will finally be integrated into the BOA network at the end of this process. Banque de Crédit de Bujumbura (BCB) in Burundi in 2005, Allied Bank in Uganda in 2006 and EAB in Tanzania in 2007. BOA’s move into Kenya in June 2004 has made the network even more attractive to monetary Authorities, regional investors and corporate customers. It also increases the motivation of BOA’s managers and will facilitate the mobilisation of the desired partners and EAB teams. These advances will be essential for the successful establishment of a presence in Tanzania.

In order to achieve this result, one of the main difficulties, apart from the usual negotiation of the purchase price, was to build up the ‘round table’ of the future bank. EAB’s shareholders include, alongside Belgolaise, institutional investors – the Belgians from BIO and the Dutch from FMO – who have been partners of BOA for several years: they are prepared to maintain their stake, which is readily accepted. It also includes a number of private Tanzanian shareholders with whom it will be necessary to negotiate on a case-by-case basis in order to find agreements for departure or retention: the latter will notably concern Tanzanian Development Finance LTD (TDFL), which is committed to BOA. Above all, the specific requirements of the Central Bank of Tanzania (CBT) in terms of local bank shareholders led to the young BANK OF AFRICA-KENYA being given a key role in the capital, while the Aureos Investment Fund also joined the project, as it did in Nairobi and Kampala. It has been a long and delicate process, but the resulting shareholder base provides a strong foundation for the bank’s future growth.

The arduous discussions with the CBT will also cover many other aspects of the buyers’ file, in application of a particularly demanding procedure in Tanzania, and it is in August 2007 that the bank will be able to be accessible to the public under its new identity.   

It is then necessary to work on restructuring and relaunching the establishment. BOA-BANK TANZANIA will be able to count on several assets to achieve these objectives. Firstly, the presence at its head of two successive Chief Executive Officers – the one from EAB, who will stay with the buyers for a while, and then the one chosen by the Board of Directors of the new entity – who both combine skill, dynamism and commitment. Secondly, the active participation of the teams, who have remained in their posts, in putting the establishment back in order and expanding into new customer sectors. Thirdly, the continued presence of the Chairman of the Board of Directors, a respected local figure, who brings confidence and support to the new management team and reassures customers. Finally, the ongoing support of the BOA Group and the other shareholders, who will double the capital in 3 years.

With these advantages in hand, the new entity has begun its activities by tackling the immediate task of cleaning up a partly compromised loan portfolio. The Bank’s more aggressive approach and the mutual efforts made by the Bank and its customers will gradually reduce the volume of outstanding loans and, consequently, the need for provisions. Above all, and as promised, the Bank will also, from the outset, define and carry out a multi-faceted development programme, in line with the Group’s philosophy: building a bank for all classes of s)customers, opening branches in the capital and in the interior of the country, commercial innovations, specific actions in favour of small businesses, stronger presence in international operations supported by major partners. Admittedly, this strategy has to contend with increased competition, which is making progress more difficult: new establishments are being set up on a regular pace and the country’s banking system is currently made up of some 40 institutions of varying sizes and origins. But BOA-TANZANIA will also benefit from the country’s growing strength in demographic terms – almost 45 million inhabitants in 2010 and around 64 million now – and economic terms – with a Gross Domestic Product growth rate that has been among the highest on the continent in recent years.

A new momentum has been given and the actions taken will pay off. Over the next fifteen years or so, BOA-TANZANIA will change dimension and move into the category of Tier 2 banks. The size of its network, its initiatives and the quality of its service have made it a much-appreciated institution, both in Tanzania and internationally. At the same time, it has fulfilled its role in ensuring that the BOA Group, now established in the three main countries of the EAC, takes the most advantages of regional synergies and contributes actively to their development.

Happy anniversary to the Bank and its teams!

Paul Derreumaux

L’implantation en Tanzanie en 2007 : un enjeu important du Groupe BOA en Afrique de l’Est

C’est en juin 2007 que le Groupe BANK OF AFRICA(BOA) obtient le « feu vert » de la Banque Centrale de Tanzanie (BCT) pour l’achat de l’Eurafrican Bank of Tanzania (EAB). La transformation effective de celle-ci en BOA BANK-TANZANIA(BOA-TANZANIA), 10ème banque commerciale du réseau commencé en 1982 au Mali, sera achevée deux mois plus tard. Comme pour les autres entités achetées en zone anglophone depuis 2004, le processus d’implantation a été difficile, mais le résultat obtenu valait bien la ténacité des équipes au service de cet objectif.

L’installation à Dar-es-Salam est d’abord la dernière étape d’un long parcours engagé avec le Groupe de la banque Belgolaise. Depuis 2003 en effet, diverses négociations ont eu lieu pour la reprise des filiales africaines que ce grand établissement belge a prévu de céder. Trois nouveaux établissements seront finalement intégrés au réseau BOA à l’issue de ce processus. La Banque de Crédit de Bujumbura (BCB) au Burundi en 2005, l’Allied Bank en Ouganda en 2006 et l’EAB en Tanzanie en 2007. L’implantation de la BOA au Kenya en juin 2004 rend ce réseau encore plus attractif aux yeux des Autorités monétaires et des investisseurs régionaux, et de la clientèle des grandes entreprises. Elle accroit aussi la motivation des dirigeants de BOA et facilitera la mobilisation des partenaires souhaités et des équipes de l’EAB. Ces avancées seront essentielles pour l’aboutissement de l’implantation en Tanzanie.

Pour atteindre ce résultat, une des principales difficultés est, outre l’habituelle négociation du prix d’achat, la constitution du « tour de table » de la future banque. L’actionnariat de l’EAB compte d’abord, aux côtés de la Belgolaise, des investisseurs institutionnels -les Belges de BIO et les Néerlandais du FMO -, devenus depuis plusieurs années des partenaires de la BOA : ils sont prêts à maintenir leur participation, ce qui est accepté bien volontiers. Il inclut aussi quelques actionnaires privés tanzaniens avec lesquels il faudra négocier au cas par cas pour trouver des accords de départ ou de maintien ; ce dernier cas concernera notamment la Tanzanian Development Finance LTD(TDFL) qui s’engage avec la BOA. Surtout, les exigences particulières de la Banque Centrale de Tanzanie (BCT) en termes d’actionnaires des banques locales conduisent à donner une place essentielle au capital à la jeune BANK OF AFRICA-KENYA tandis que le Fonds d’Investissement Aureos rejoint aussi le projet, comme il l’a fait à Nairobi et Kampala. La mise au point a été longue et délicate, mais l’actionnariat ainsi composé constitue une base solide pour la croissance à venir de la banque.

Les discussions ardues avec la BCT porteront aussi sur de nombreux autres aspects du dossier des repreneurs, en application d’une procédure particulièrement exigeante en Tanzanie, et c’est en août 2007 que la banque pourra être accessible au public sous sa nouyelle identité.    

Il faut alors travailler sur la restructuration et la relance de l’établissement. La BOA -BANK TANZANIA pourra compter sur plusieurs atouts pour atteindre ces objectifs. D’abord la présence à sa tête de deux Directeurs Généraux successifs – celui d’EAB qui restera un temps avec les repreneurs, puis celui choisi par le Conseil d’Administration de la nouvelle entité – qui allient tous deux compétence, dynamisme et engagement. Ensuite, la participation active des équipes, maintenues à leur poste, à la remise en ordre de l’établissement et à sa croissance vers de nouveaux secteurs de clientèle. En troisième lieu, le maintien inchangé du Président du Conseil d’Administration, personnalité locale respectée, qui apporte confiance et soutien aux nouveaux dirigeants et rassure la clientèle. Enfin, le support constant du Groupe BOA et des autres actionnaires, qui doubleront le capital en 3 ans.

C’est donc forte de ces avantages que la nouvelle entité entame ses activités en s’attaquant sans délai à l’assainissement d’un portefeuille de crédits en partie compromis. L’état d’esprit plus offensif de la Banque et les efforts réciproques consentis par celle-ci et par ses clients vont permettre de réduire progressivement le volume des concours en souffrance et, en conséquence, les besoins de provisions. Surtout, et comme promis, la Banque va aussi, dès l’origine, définir et conduire en permanence un programme multiforme de développement, conforme à la philosophie du Groupe : construction d’une banque « tous publics », ouverture d’agences dans la capitale et à l’intérieur du pays, innovations commerciales, actions spécifiques en faveur des petites entreprises, présence renforcée dans les opérations internationales appuyée sur de grands partenaires. Certes cette stratégie doit affronter une concurrence accrue qui rend plus difficile la progression : de nouveaux établissements se créent en effet régulièrement et le système bancaire du pays est à ce jour fort de quelque 40 institutions de tailles et d’origines diverses. Mais la BOA-TANZANIA va aussi bénéficier de la montée en puissance du pays en termes démographiques -près de 45 millions d’habitants en 2010 et environ 64 millions maintenant- et économiques – avec un taux de croissance du Produit Intérieur Brut parmi les plus élevés du continent ces derniers années.

Un nouvel élan est donné et les actions menées seront payantes. En une quinzaine d’années, BOA-TANZANIA va changer de dimension et s’inscrire dans la catégorie, plus retreinte, des banques de « Tier2 ». La taille de son réseau, ses initiatives, la qualité de son service en ont fait un établissement apprécié, tant en Tanzanie qu’à l’International. Dans le même temps, elle a rempli son rôle pour que le Groupe BOA, ainsi implanté dans les trois principaux pays de l’EAC, profite au mieux des synergies régionales et contribue activement à leur développement.

Joyeux anniversaire à la Banque et à ses équipes !

Paul Derreumaux

CARNET DE VOYAGE : A BRUXELLES, J.O. ET CULTURE DOMINENT L’ÉTÉ

La « capitale » de l’Union Européenne a pris ses quartiers d’été. Les (très) nombreux fonctionnaires de la Communauté ont laissé d’un coup les « plaisirs » de la politique et des réunions interminables pour ceux des vacances sacro-saintes. Ni les urgences de Gaza ou celles de l’Ukraine, ni les mises en garde budgétaires aux Etats peu respectueux des règles communautaires n’ont changé les habitudes. La ville est donc rendue aux citoyens et aux touristes, et aux autres préoccupations.

C’est d’abord pour les Jeux Olympiques que la Belgique s’est mise à vibrer en ce début d’août. La proximité de la France et la facilité de capter ses télévisions vouées aux « JO24″ facilite sans doute cette addiction. La possibilité d’assister à de nombreuses épreuves de sports collectifs dans le stade tout proche de Villeneuve-d’Ascq, près de Lille, l’a aussi encouragée. Quelques résultats inespérés ont complété le tableau : 10 médailles gagnées, dont 3 d’or, qui effacent le vieux record des jeux d’Atlanta; 2 médailles d’or pour le cycliste Remco Evenepoel, qu’on compare maintenant ici à Eddy Merckx, c’est tout dire ; et surtout l’or en heptathlon pour Nafissatou Thiam qui emporte ainsi ce titre olympique pour la 3ème fois. Les Bruxellois savourent ces belles performances avec ferveur sans perdre leur simplicité naturelle parfois moquée, ni leur capacité d’autodérision : la presse a ainsi salué les 8″médailles en chocolat » des 4’êmes places. On sait ici depuis les Jeux d’Anvers de 2020 l’avantage de jouer « à domicile »…


L’été est aussi à Bruxelles une période toujours faste pour la culture. La Grand-Place, mondialement réputée, reste une attraction centrale, pour la beauté architecturale de la Maison du Roi et de l’Hôtel de Ville, et pour le Tapis de Fleurs qui va la recouvrir à la mi-août . Au pays de Van Eyck et de Magritte, de Brel et de Adamo, de Hergé, Georges Simenon et Amélie Nothomb, musées et salles de concert sont légion et l’art prend les formes les plus variées. Comme chaque année, l’association Bruxellons joue tout l’été en plein air une comédie musicale. « Come from Away », un succès canadien, raconte cette année avec émotion et un brin d’humour les 6 jours passés à Gander, sur l’île de Terre-Neuve, par les habitants et les passagers des 38 avions qui ont atterri là en catastrophe après le 11 septembre. Une manière de nous ramener à l’actualité fébrile qui nous entoure et à la fin des vacances.

A la gare du Midi, dans l’atmosphère cosmopolite qui a toujours caractérisé ce quartier, un groupe de voyageurs en kilt, visiblement supporters de leurs athlètes olympiques, attend sereinement le train pour un retour en Ecosse, en savourant une dernière gaufre. Dans l’Eurostar qui s’est lancé à toute vitesse vers la France, les paysages du « Plat Pays » défilent, alternant plaines de blé mur, grandes éoliennes en activité et vaches hollandaises en pâturage.

A bientôt, Bruxelles

Paul Derreumaux

Systèmes bancaires dans l’UEMOA en 2024 : une nouvelle année remarquable ?

Depuis quelques années, les banques des huit pays de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) opèrent dans un contexte économique et politique difficile : pandémie du Covid en 2020, impacts de la guerre en Ukraine à partir de 2022 ; forte inflation en 2023 ; crises politiques depuis 2020 assorties de sanctions économiques sur plusieurs périodes. Malgré tout, le secteur bancaire a connu dans l’ensemble une de ses périodes les plus favorables tant en termes de croissance que de rentabilité, tout en effectuant une mue accélérée pour sa composition et sa modernisation et en satisfaisant globalement aux durcissements de la réglementation prudentielle. En ce milieu d’année, trois constats synthétiques montrent que 2024 pourrait être encore un « millésime » chargé en évènements.

En termes de résultats, 2023 a vraisemblablement été une année faste. Dans le rapport annuel de la Commission Bancaire, tout juste publié, les principales données d’exploitation évoluent encore positivement par rapport à 2022 : +7,8% pour les crédits directs, + 10,0% pour les Produits Nets Bancaires, -3,2% pour le coefficient d’exploitation, – 0,4% pour le poids relatif des créances en souffrance ramené à 8,5% des encours, et surtout + 18,9% pour les résultats. Pour 12 des 14 banques cotées sur la Bourse Régionale des Valeurs Mobilières (BRVM), les gains sont en moyenne encore plus marqués : pour les bénéfices d’abord ; parfois bien davantage pour les dividendes, qui représentent dans certains cas cette année une part accrue des résultats ; et une hausse significative fréquente des valorisations boursières. Avec un profit net de 97 milliards de FCFA, la Société Générale de Côte d’Ivoire est le symbole de cet exercice exceptionnel : +30% pour le bénéfice, +39% pour le dividende. Pour l’exercice en cours, le premier semestre pourrait être au moins au niveau du précédent si on en juge par les indicateurs déjà fournis par les banques inscrites à la BRVM. L’année devrait être toutefois également marquée par deux tendances apparues en 2023 : une croissance des crédits directs à l’économie supérieure à celle des placements en trésorerie, toujours dominés par les emprunts publics des Etats de l’Union ; une augmentation de plus en plus poussive des dépôts bancaires, qui traduit les difficultés économiques de quelques pays et les incertitudes monétaires croissantes.

En matière de structuration, on pouvait imaginer que 2024 soit surtout dominée par le doublement du capital minimal des banques, décidé par la Banque Centrale de l’UEMOA en décembre 2023, à libérer sur 3 ans. En réalité, cette augmentation est aujourd’hui déjà effectuée ou programmée par la plupart des entités qui n’étaient pas encore à ce niveau, le plus souvent par incorporation de réserves existantes, et donc sans apport de ressources propres nouvelles. Les rares établissements n’ayant pas cette possibilité se tournent vers leurs actionnaires et des investisseurs additionnels pour atteindre cet objectif, comme Mansa Bank vient de le faire en Côte d’Ivoire. Le nouveau seuil d’entrée de 20 milliards de FCFA ne devrait donc créer aucun mouvement de concentration du secteur. Deux autres évènements pourraient avoir une plus grande importance. L’un est le départ de l’UEMOA de la dernière banque française à y être présente : la Société Générale a en effet annoncé sa décision de céder toutes ses filiales, et notamment celles de Côte d’Ivoire et du Sénégal, respectivement première et huitième banques de l’Union.  Cette opportunité a déjà éveillé, comme pour la BNP en 2022/23, plusieurs marques d’intérêt d’investisseurs privés, au vu des résultats actuellement dégagés dans le secteur, mais aussi publics, pour des raisons stratégiques. Mais la vente effective pourrait être plus lente comme le montre le « deal » encore pendant de la vente de la filiale de ce Groupe au Burkina Faso. L’autre fait, plus discret mais notable, est la rapide montée en puissance de l’actionnariat public dans les systèmes bancaires régionaux : +113% en 4 ans, avec un taux de détention moyen atteignant fin 2023 plus de 32% en Côte d’Ivoire et au Mali. Selon la Commission Bancaire, 23 banques, soit 15% du total, sont aujourd’hui contrôlées par des actionnaires étatiques et représentent 21% de l’ensemble des bilans et 22% des risques. L’avenir dira si ce changement récent et profond des actionnariats par rapport aux décennies antérieures génère ou non certaines transformations dans la politique des banques concernées.   

Performant et mouvant, le système bancaire de l’UEMOA doit encore relever des défis. Certains sont anciens, comme celui d’une plus grande contribution au financement des économies. Ainsi, sur l’année écoulée, l’augmentation des crédits a été de nouveau moins rapide que celle du Produit Intérieur Brut -respectivement +7,9% et +9%- et le ratio correspondant reste inférieur à 30% : la réticence au financement des petites entreprises, qui constituent l’essentiel de l’appareil économique, et les exigences accrues en termes de fonds propres rendent difficile cet effort, pourtant indispensable. Les améliorations de l’environnement juridique et administratif pourraient le faciliter, mais la volonté des banques sera déterminante. Une récente analyse de la BCEAO souligne d’ailleurs que 400 grandes entreprises de l’Union sont à elles seules les bénéficiaires de 30 % des crédits bancaires régionaux. On pourrait évoquer aussi le chantier de la digitalisation pour laquelle, avec retard, d’importants progrès sont en cours. D’autres challenges sont plus récents et pourraient se multiplier tels les deux exemples suivants. Le départ progressif des banques françaises s’accompagne parfois d’un durcissement des circuits traditionnels de « correspondant banking » avec les banques africaines, qui implique pour celles-ci la nécessité d’ouvrir d’autres circuits de traitement des opérations internationales. Ceci conduit notamment les groupes les plus puissants-anglophones comme francophones- du continent à ouvrir à Paris ou Londres une filiale dédiée à ces opérations : les pionniers Ecobank, BANK OF AFRICA, Access Bank, et quelques autres, devraient ainsi être rejoints par d’autres banques et avoir un périmètre de clients de plus en plus large. Surtout, il apparait déjà que de nouvelles augmentations de capital minimum pourraient avoir lieu dans un délai rapproché. Des exemples attestent que le seuil fixé est nettement supérieur dans d’autres pays subsahariens fort divers, allant du Ghana à la République Démocratique du Congo (RDC) en passant notamment par le Nigéria, où ce plancher est passé en juin dernier à 320 millions de USD (190 milliards de FCFA) pour les banques traitant des opérations internationales. De plus, le récent doublement de capital imposé par la BCEAO ayant rarement conduit à des apports de fonds propres additionnels, les limites fixées par la réglementation pour la diversification des crédits vont rester pour l’instant fort rigoureuses face à la croissance des besoins. Pour se libérer de cette contrainte dans une dépendance limitée aux prêts subordonnés, des injections de capital, de nouvelles incorporations de réserves et/ou d’autres règles de répartition des dividendes seraient des choix possibles. Des banques ont déjà entamé dès cette année ces ajustements.

La rentabilité en moyenne élevée des banques de l’UEMOA et la capacité qu’elles ont montrée à absorber les chocs récents de mutation structurelle, réglementaire et de recomposition, soulignent les atouts et la maturité croissante du système bancaire régional. Elles font aussi reposer sur lui de fortes attentes dans l’octroi de tous les types de financements, privés comme publics, intérieurs à la région. Cette pression pourrait entrainer encore à bref délai des changements significatifs dans son fonctionnement, ses stratégies et sa structuration. D’autres années remarquables sont encore à venir…

Paul Derreumaux

Article publié le 19/08/2024

CARNET DE VOYAGE : AUX ETATS-UNIS, LA POLITIQUE A TOUTE VITESSE….

En une semaine, les Etats-Unis ont réussi à (peut-être) changer le cours de la prochaine élection présidentielle et à (un peu) modifier leurs discours aux dirigeants d’Israël. Récit de quelques impressions relevées sur place.

Le 20 juillet dernier, tous les médias américains commentaient encore à longueur de journée la pression croissante exercée sur le Président Biden, pour qu’il se retire de la course à la Maison Blanche en 2024, tandis que ce dernier et ses proches résistaient encore. Ses défaillances, trop fréquentes et visibles, amenaient des proches de plus en plus nombreux à souhaiter publiquement cet abandon. Les soutiens les plus prestigieux, tel Barack Obama, restés longtemps fidèles, ont fini par s’incliner. Le 21 juillet au soir, le Président annonçait son renoncement en parrainant directement la Vice-Présidente Kamala Harris pour la suite.

Toutes les télévisions ont passé en boucle le courrier puis la déclaration télévisée de Joe Biden, l’acceptation immédiate de ce challenge par Mme Harris et le défilé des responsables démocrates soutenant sa candidature. Ce fut comme une grande respiration dans le parti « bleu » et, d’un coup, « l’espoir changea de camp .. ». Les indices d’un revirement possible de situation ont été multipliés: afflux de dons, sondages plus optimistes, nervosité du camp adverse, dynamisme et charisme de la candidate. Pourtant, le chemin reste long et difficile pour « Kamala »: faire taire les critiques sur sa faible expérience, franchir l’étape indispensable de la validation officielle de sa candidature, triompher de ceux qui pensent que sa désignation a été anormale, … et surtout vaincre Trump bien sûr. Même si l’issue reste incertaine, beaucoup s’accordent ici à dire que, presque miraculeusement, la course est de nouveau ouverte, avec un soulagement qui va bien au-delà des Etats-Unis.

Mais la semaine a été aussi animée avec la visite à Washington du Premier Ministre d’Israël, Benjamin Netanyahu. Celui-ci a tenu le 24 juillet, devant le Congrès, un discours très offensif, rejetant la responsabilité de la situation sur l’Iran, présenté comme manipulateur du Hamas et décidé à détruire Israël, et décrivant le combat mené comme celui de la « civilisation » auquel tous devaient s’associer. La longue ovation qui a accueilli ces propos a été plus soulignée par les journalistes américains que par les médias français qui l’ont mise en balance avec les nombreuses absences démocrates à cette Assemblée et les manifestations fortement encadrées qui se déroulaient en même temps devant le Capitole. Mais B. Netanyahu a dû aussi écouter le 25 juillet le Président américain réclamer fermement la libération rapide des otages et la Vice-Présidente/vraisemblable candidate indiquer qu’elle » ne resterait pas silencieuse » face aux drames humains créés depuis 7 mois à Gaza par Israël. Ces positions n’auront pas dû plaire à la puissante communauté juive aux Etats-Unis. De quels effets seront-elles suivies tant pour la campagne présidentielle américaine que pour la stratégie de l’Etat hébreu ?

A compter du 26 juillet et pour le week-end qui commençait, la politique s’est mise en pause et a laissé la place aux « Paris Olympic Games ». La cérémonie d’ouverture a été ici globalement bien appréciée, les longs intermèdes publicitaires ayant permis de passer discrètement sur les quelques séquences ayant déclenché de vives polémiques en France. Il a cependant été plutôt regretté, avec juste raison, que les athlètes aient tenu trop peu de place dans la mise en scène parisienne. Après tout, ce sont eux les héros.

Ce 29 juillet, la politique reprend ses droits. Le premier « clip » de campagne de Kamala Harris est déjà sorti et va envahir les télévisions. A Washington, une dizaine de manifestants ont installé devant la Maison Blanche leurs pancartes réclamant l’abandon par la Banque Mondiale de ses créances sur les pays les plus en difficulté : ils scandent de temps en temps leurs requêtes sous la surveillance benoîte des policiers. Quant aux Jeux, les Etats-Unis suivent attentivement le nombre de leurs médailles -ils en sont déjà ce soir à 20- et comptent bien garder la première place jusqu’à la fin : c’est aussi de la politique….  

Paul Derreumaux

Publié le 31/07/2024

FCFA en Afrique de l’Ouest : éléments de réflexion

II : Les voies possibles et leurs contraintes.

Les récentes revendications de « souveraineté monétaire » dans les pays sahéliens n’ont rien d’illégitime ou d’impossible. Les changements enclenchés en 2019 dans l’UEMOA allaient d’ailleurs en ce sens, modestement et de manière collégiale, mais n’ont pas encore été menés à terme. De nombreuses nations en Afrique, ou ailleurs, ont choisi une monnaie nationale flexible par rapport aux autres devises et en assument quotidiennement les conséquences, positives ou négatives. Pour apprécier la pertinence d’une option par rapport aux autres, il est cependant indispensable de retenir que quelques contraintes s’imposeront dans tous les cas.

La première est que les spécificités de la monnaie choisie ne sont jamais le seul déterminant de la réussite ou de l’échec économique d‘un pays. Ses données « réelles » – richesses naturelles, typologie du système économique local et puissance des entreprises, pertinence de la politique économique et de la gouvernance publique, qualité de la formation des populations, force d’innovation, ..- sont des déterminants au moins aussi importants que la variable monétaire pour expliquer un bon ou mauvais taux de croissance du Produit Intérieur Brut (PIB), comme une diminution ou une stagnation de la pauvreté. En revanche, les données « monétaires » peuvent faciliter ou pénaliser les financements, publics comme privés, dans le pays, et donc « booster » ou freiner sa croissance. Le Ghana, le Kenya et le Zimbabwe ont par exemple tous une monnaie nationale mais ne progressent pas au même rythme. Il en est de même des deux parties de la zone franc qui ont pourtant une monnaie analogue et soumise aux mêmes règles. De plus, l’adéquation d’une monnaie et de ses caractéristiques à son environnement peut varier avec le temps en fonction notamment du degré de compétitivité de l’économie nationale, ou du contenu et des directions des flux commerciaux : ses caractéristiques n’ont pas vocation à être permanentes et aucune monnaie n’est « parfaite ».

Une seconde contrainte est que le fonctionnement optimal d’une monnaie, quelle qu’elle soit, exige de la part de l’Etat et des responsables de la politique monétaire et économique des actions soutenues et durables pour tenir le cap fixé. Clarté des objectifs, discipline vis-à-vis des engagements pris, contrôle régulier des évolutions et correction des déviances, maîtrise technique par les responsables et qualité de leur organisation, respect des partenariats financiers extérieurs, limitation dans le temps et dans l’ampleur des déséquilibres et des déficits, doivent être appliqués simultanément. En résumé, il convient d’accorder aux questions économiques une attention et une priorité suffisantes pour faire accepter par tous la discipline requise pour le succès des chantiers ouverts. En la matière, une monnaie commune à plusieurs Etats peut permettre une mise en commun des efforts individuels pour un même objectif de défense de la monnaie et une réduction des risques pour chacun si cette solidarité est permanente et suffisamment équilibrée. A contrario, ce scénario est plus pertinent lorsque les nations sont assez homogènes par leurs puissances démographique et économique, mais aussi suffisamment diversifiées par la structure de leurs activités.

De ces exigences découle une troisième donnée : le besoin permanent de la confiance de tous les partenaires étrangers, politiques comme économiques. C’est la condition sine qua non pour éviter au maximum les effets spéculatifs qui viendraient se greffer sur les facteurs de variation des cours de change découlant directement des échanges de biens et services, et qui aggraveraient les risques de détérioration de la valeur de la devise du pays. Ainsi le FCFA est parfois utilisé dans la période présente comme monnaie d’échange et d’épargne dans les pays voisins de l’UEMOA, en raison de sa plus grande solidité actuelle par rapport à celle de leurs monnaies respectives. Cette confiance se nourrit patiemment de la transparence des actions menées, de la véracité des données communiquées et de la pertinence des comportements des dirigeants. Elle assure le soutien des financiers extérieurs et des alliés en cas de difficultés temporaires et d’attaques monétaires délibérées. Elle se détruit en revanche rapidement par suite des erreurs commises, de la fragilité des politiques conduites ou d’anomalies vites décelées par les analystes. 

Dès lors que ces conditions sont respectées, toutes les options sont envisageables en matière monétaire, en Afrique de l’Ouest comme ailleurs, même si certaines sont plus difficiles que d’autres. Elles se font logiquement en deux étapes. La première est celle du choix par le pays de l’isolement ou de l’association, et, dans le second cas, de l’identité des partenaires prévus. Il relève nécessairement de la responsabilité des plus hautes Autorités nationales et, soixante ans après les indépendances en Afrique subsaharienne, il est souhaitable qu’il soit fait en dehors des influences extérieures. Le choix doit en effet être guidé avant tout par les intérêts, les forces et les faiblesses à moyen et long terme de l’économie locale et la recherche de la meilleure manière dont les caractéristiques du système monétaire adopté peuvent servir ces intérêts. Une fois la décision prise, l’engagement de l’Etat au profit du projet retenu aura à être total, permanent et publiquement affirmé, même si, en cas d’association entre pays, des désaccords momentanés apparaissent sur d’autres plans. L’Union Européenne a montré à diverses reprises sa capacité à résister à des tensions entre membres pour la préservation de sa monnaie commune. L’East African Community (AEC) s’efforce de faire de même pour poursuivre le développement de sa zone. La seconde étape est au contraire avant tout technique et doit être menée dans un cadre de sérénité et de discrétion maximale compte tenu du caractère sensible des questions en jeu. Cette phase prend obligatoirement du temps par suite des nombreux aspects complexes à régler -indépendance ; missions et modalités de travail de la Banque Centrale ; parité flexible ou non de l’unité monétaire ; base de référence de la valeur de la monnaie ; mécanismes de solidarité entre nations en cas d’association ; ….. Il est seulement essentiel que les délais annoncés soient tenus et suffisamment courts pour ne pas alimenter inquiétudes et spéculations et pour donner au projet la crédibilité optimale.  

Si on admet la réalité des contraintes ci-avant, les questionnements entendus depuis un an sur le FCFA semblent placer la zone à l’orée de la première étape. Il reviendrait maintenant à chaque pays de se prononcer après avoir pris en considération les avantages et les inconvénients de l’expérience passée, et la part des questions monétaires dans les succès et échecs constatés, d’une part, et avoir analysé comment l’option pour l’avenir peut favoriser le développement futur du pays et la prospérité de toute sa population, notamment en assurant le financement de toutes les actions à mener, d’autre part. Le choix à opérer par rapport au système actuel – substitution, révision, statuquo, choix individuel ou collectif,.. – est stratégique, et engage le pays et ses citoyens pour une longue période. Mais c’est le lourd privilège des Autorités politiques que d’assumer cette responsabilité et de veiller ensuite à se conformer aux contraintes qu’elle impose.

Paul Derreumaux

Publié le 29/07/2024